Le Four Eiffel !

Ouais, un biopic sur Gustave Eiffel au moment de la construction de sa très fameuse tour. Pour la première fois (enfin à ma connaissance !), un film de fiction sur le Monsieur. Le tout qui est réalisé avec un budget confortable. Youpi, c'est parti pour montrer l'ingénieur, les énormes difficultés (de toutes sortes !) qu'il a rencontrées et son génie face à une entreprise absolument démentielle.

Non, non... c'est une histoire d'amour en fait. Pourquoi pas, s'il y a une originalité, s'il y a une véritable fusion entre le monument qui se monte et la passion qui anime les deux protagonistes et pas juste un vulgaire truc vu un milliard de fois avec un mari influent jaloux qui menace de tout faire capoter. Et si ce n'est pas une romance lambda bien sirupeuse et lourdingue (musique dans le ton intégrée !) avec toute l'accumulation de séquences et de situations clichées possibles à laquelle on peut s'attendre. Ben oui, ce serait gênant tout ça, car cette intrigue prend 90 % de la durée totale. Ah merde, on marche en plein dans ce genre de machin à deux balles. Et on en parle de Romain Duris et d'Emma Mackey, censés former un couple d'amoureux n'ayant pas un écart d'âge important, alors que le premier pourrait être le père de la seconde ?

Bref, déjà à ce niveau, 90 % du film est à chier.

Alors les autres 10 % ?

La fille du protagoniste veut épouser un des employés du bureau de son père. Ben, très bien, ça peut ajouter un peu d'intrigue familiale drôle et charmante (du fait de la personnalité craintive du futur gendre à l'égard de son beau-père !) tout en insufflant une présence féminine qui est là pour souligner combien Eiffel est un paternel formidable. Le fait que cela a un lien avec le cadre professionnel, c'est une bonne piste pour ne pas s'écarter de la toile de fond de la construction en cours. Ah non, ce n'est pas du tout (mais alors pas du tout ! ) exploité par la suite. Pourquoi ce personnage de gendre alors (scénaristiquement parlant !) ? Les scénaristes n'en savent rien et n'en ont rien à foutre, OK.

Une grève des ouvriers qui risque de paralyser le chantier à jamais parce qu'ils ne reçoivent pas leur salaire ? Hop hop hop, un petit discours de dix secondes disant que je vous promets de vous rapporter du pognon pour vous payer et que c'est trop super ce que l'on fait et cela suffit tout de suite à faire changer l'avis des travailleurs. Non, ça ne fonctionne pas comme cela l'esprit humain, c'est le pognon qu'ils veulent immédiatement, pas de belles paroles. Il se serait fait défoncer le Eiffel dans un récit un minimum soucieux de crédibilité psychologique. Pourquoi mettre une telle scène aussi mal écrite (au moins, pour ça, c'est en accord avec le reste !), avec un suspense et une résolution aussi artificiels, à part pour prendre les spectateurs pour des cons ?

Ouah, enfoncer une barre de plomb dans un trou, c'est un moment intense, une acmé dans l'ouvrage, un aboutissement. Non, ce n'est pas comme si les ouvriers n'en avaient pas toute une autre palanquée à enfiler après.

Bon, il y aura peut-être une consolation avec l'inauguration du monument, les félicitations du président de la République, etc. Eiffel, ses collaborateurs et ses ouvriers ont réussi un exploit considérable. On ne peut que penser à l'idée d'accomplissement. Il faut le fêter. Ben non, c'est ramené à l'histoire d'amour pourrave avec l'objet de la flamme qui est au fond de la foule et dont l'amoureux remarque la présence (sortez les violons et actionnez vos glandes lacrymales !), à jamais séparés (mais, en plus, en y réfléchissant, c'est complètement con, la tour est entièrement construite et inaugurée, le mari n'a plus aucun moyen de chantage sur les deux amants, plus rien ne les empêche de se réunir... même par l'angle de l'intrigue sentimentale nulle, c'est stupide !). La tour Eiffel achevée, on s'en branle. La prouesse prodigieuse à la poubelle. Et encore une scène potentiellement bonne et enthousiasmante gâchée.

Comment on peut se foirer autant avec un sujet aussi unique ? Comment on peut se torcher totalement avec un beau budget ? Comment on peut foutre en l'air un potentiel aussi exceptionnel ?

Ce film devrait être étudié dans les écoles de cinéma comme étant un "très bon" exemple de ce qui ne faut surtout pas faire non seulement en matière de biopic (un destin et un acte incroyables quasi juste résumés à une histoire d'amour impossible ultra-conventionnelle !), mais aussi en termes d’écriture (je ne vais pas revenir sur mes exemples précédemment cités !). En gros, ce film est une grosse merde scandaleuse.