El buen patrón, représentant espagnol aux Oscars 2022, a empoché 6 récompenses à la cérémonie des Goyas, dont celles de meilleurs film, réalisateur, scénario et acteur, au nez et à la barbe de Madres paralelas, entre autres. Le cinéaste madrilène Fernando León de Aranoa est loin d'être un inconnu, ayant réalisé notamment Princesas et Les lundis au soleil. Ce dernier, avec des chômeurs en personnages principaux, est d'ailleurs le complément parfait d'El buen patrón, dont le "héros" est le dirigeant d'une entreprise moyenne et provinciale, qui a fait fortune dans les instruments de balance. Ce "bon patron" dirige son usine à l'ancienne, très paternaliste et patelin avec son personnel et acoquiné avec tous les pouvoirs locaux. A vrai dire, le type est cynique et ignoble mais le film prend son temps, avec une certaine délectation, pour installer plusieurs situations inextricables qui pourrissent la vie de cet entrepreneur prêt à tout pour glaner un nouveau prix d'excellence. A l'évidence, le point fort du long-métrage réside dans son écriture subtile et précise où aucune scène n'est gratuite, y compris celle d'ouverture, qui semble a priori ne rien avoir à faire avec le propos général. La mise en scène est sobre et s'efface devant une interprétation haut de gamme, dominée par Javier Bardem, carrément sublime dans un rôle à facettes, qu'il enrobe de toute sa bonhomie inquiétante. Derrière son apparente rondeur, il est aiguisé comme une lame dans cette chronique sociale bien noire où l'équilibre de la balance ne s'obtient qu'à la faveur d'actes pour le moins douteux et amoraux.