‘El buen patron’ est une comédie satirique mordante, bien faite, bien rythmée autour de ce patron cynique, brillamment interprété par Javier Bardem. Après ‘Incroyable mais vrai’, le film d’Aranoa est une autre bonne comédie que l’on peut voir. Cela change des comédies françaises aux scénarios mal ficelés et à l’humour lourd.
Julio Blanco, propriétaire charismatique d'une entreprise qui fabrique des balances industrielles dans une ville de province espagnole, attend la visite imminente d'une commission qui décidera de son sort et l'obtention d'un prix local d'excellence en affaires, donc tout doit être parfait pour la visite. Pourtant, tout semble conspirer contre lui. Travaillant contre la montre, Blanco tente de résoudre les problèmes de ses employés, franchissant toutes les limites imaginables, donnant lieu à une succession inattendue et explosive d'événements aux conséquences imprévisibles.
Le film est avant tout le portrait cynique et caustique d’un patron au grand cœur (en tout cas, en apparence). Il énonce des discours mielleux à ces employés, tente de sauver le couple d’un de ses employés, offre des places pour un ballet à l’agent de sécurité, trouve un emploi pour le fils délinquant d’un de ses ouvriers. Mais tout cela n’est que façade. Il ne s’agit que d’être parfait pour l’inspection par la commission. Il n’a à cœur que ses intérêts professionnels et privés. Quand personne ne regarde, il reluque une stagiaire, stalke sur Facebook, trompe sa femme, licencie ces salariés. Ces salariés sont en fait des sortes d’outils de réussites personnelles et professionnelles.
Jusqu’au moment où tout semble se dérégler. Les problèmes s’accumulent, son image de patron parfait s’effrite. Julio met son éthique de côté (s’il ne l’avait déjà pas fait avant) et sera désormais prêt à tout. Il peut tout perdre mais en réalité, c’est sa position sociale, professionnelle qui lui permettra de toujours garder la face. Face à lui et contre sa capacité de nuisance, ces employés ne pourront rien contre lui. Fernando León de Aranoa fait le choix d’une fin cynique, en tout cas en apparence. Car une personne, qui a plus de ressource que lui, réussira à le coincer.
Dans ce rôle, Javier Bardem fait des merveilles. C’est vraiment un très grand acteur. Son physique à la fois ‘Latin Lover’ et un peu ingrat fait qu’il est absolument excellent pour le rôle. Il joue aussi bien la roublardise que la compassion, la respectabilité que le mépris. Il s’est vieilli pour se donner l’aspect physique du notable de province respectable à la fois aisé, mais proche des gens en apparence. Et puis, il a un vrai tempérament comique.
Mais on aurait tort de ne parler que du talent comique de Javier Bardem. Car Fernando León de Aranoa a vraiment soigné son film. Il a un sens de l’espace, du cadre. En conséquence, le film contient des gags visuels très réussis. Il sait d’ailleurs faire tenir ses gags sur la longueur. Un exemple entre mille, la femme de Julio voudrait lui dire quelque chose d’important mais oublie systématiquement. Elle s’en souvient 45 minutes plus tard : la stagiaire avec laquelle Julio vient de coucher est en fait la fille d’un très bon ami perdu de vue !
‘El buen patron’ est donc une comédie très réussie, jamais facile, toujours pensée. Le film peut compter sur un acteur exceptionnel qui se donne à fond. Vu dans une salle quasi-pleine, le film semble avoir ravi les spectateurs autant que moi.