Du point de vue de la pop culture, El Camino est l'antithèse parfaite du dernier Star Wars, The Last Jedi. Là où le film de Rian Johnson prenait des libertés par rapport aux codes narratifs et visuels de l'univers Star Wars, au risque de faire perdre leur consistance aux personnages, celui de Vince Gilligan reprend tout ce qui a fait l'identité de l'oeuvre dont il est dérivé, la série Breaking Bad. On aura donc droit aux mêmes montages introspectifs qui faisaient la saveur de la série, aux mêmes plans larges qui évoquent simultanément la finitude de l'homme et l'appel de la frontière, à la même mise en scène obsédée par le détail, qui puise dans les codes du western, au même humour noir déjà présent dans le travail de Gilligan sur X-Files. À l'exception de deux personnages pas franchement mémorables, dont l'un joue apparemment le rôle du méchant principal, tous ceux que Jesse côtoie dans El Camino sont ceux qu'il côtoyait déjà dans la série. Et tous sont fidèles aux portraits que la série nous en avait fait, si bien que ce film s'apparente davantage à un long épilogue en forme d'hommage.
The Last Jedi cherchait à briser tous les codes visuels et narratifs caractéristiques de l'univers Star Wars, jusqu'à un certain point, au-delà duquel il lui fallait finalement revenir aux fondamentaux: le bien contre le mal, l'empire contre la rébellion, le renégat contre le disciple. El Camino reprend tout et essaie de nous convaincre pendant deux heures qu'il a bien quelque chose à nous raconter que l'on ne savait pas déjà.
Le film multiplie les enjeux relativement artificiels, comme avec les deux faux policiers qui surprennent Jesse pendant qu'il fouille l'appartement de Todd ou le soudeur qui le provoque en duel. Il n'empêche, El Camino nous raconte exactement l'histoire que la plupart d'entre nous s'était imaginé, celle de Jesse fuyant la police et le crime organisé, direction l'Alaska.
Il nous confirme la psychopathie de Todd, l'hubris de Walter, l'insouciance de Jesse. Pourquoi donc ce film qui, loin d'être mauvais, n'apporte presque rien ? Peut-être que El Camino et The Last Jedi ont un point en commun finalement : celui d'être les reflets d'une époque incapable de tourner la page.