Breaking Bad fut une série formidable, Better Call Saul l'est aussi, mais à chaque fois, c'est parfois sur un fil plus que tendu, Vince Gilligan a la tentation de faire passer la forme avant le fond. La réussite des deux séries tient au fait que les deux parviennent à s'équilibrer in fine, même si cet équilibre est parfois fragile. Le souci de El Camino, "film" Netflix de deux heures censé apporter la conclusion à cet univers, se déroulant donc après le dernier épisode de Breaking Bad, et se centrant de manière quasi unique sur le personnage de Jesse Pinkman, l'un des personnages principaux de la série mais qui avait tendance à être volontairement délaissé dans les dernières saisons, c'est que Gilligan fait clairement passer la forme avant le fond. Le fond est ici très pauvre, c'est à dire qu'on va suivre Jesse après les événements finaux de la série, sur une période de temps très courte, et comprendre comment il va réussir à s'enfuir pour commencer une nouvelle vie sous une nouvelle identité. C'est tout, et c'est un salmigondis de flashes back sur plusieurs périodes afin de faire apparaitre certains des personnages défunts et mythiques de la série. Bref, ce n'est pas très intéressant, même si les scènes sont souvent réussies car Gilligan sait parfaitement générer de la tension avec trois fois rien. La forme ensuite, qui prend donc le dessus, son souci, c'est qu'elle cabotine souvent pour rien, et que Gilligan montre ici ses limites. C'est un réalisateur de série, pas de cinéma, et son "film" ressemble plus à un épisode étiré sur deux heures, et il est loin d'être l'un des meilleurs épisodes de la série. L'ensemble n'est pas désagréable à regarder non plus, mais ne sert strictement à rien, ne propose absolument rien de neuf, si ce n'est contenter le fan-service.