El Chuncho mérite bien sa réputation de plus célèbre des westerns zapatistes. Il évoque sur fond de révolution mexicaine (1910-1920) les rapports entre révolution et pouvoir, pauvreté et appât du gain, amitié et trahison.
Et c’est un western italien, ce qui pour moi signifie le sommet indépassable de l’évolution du western.
Les enseignements du film sont au nombre de 4 :
_Les révolutionnaires sont de deux catégories : les idéalistes et les rapaces.
_Certains idéalistes peuvent devenir à l’occasion des rapaces (El Chincho le hibou est aussi un rapace)
_Un rapace peut parfois se camoufler en idéaliste
_Que le révolutionnaire soit un rapace ou un idéaliste, le résultat est le même quand un revolver est braqué sur vous
A part ça le scénario est en béton armé. Le rythme ne baisse pas et les motivations des protagonistes ne deviennent claires qu’à la fin. El Chuncho (le grand Gian-Maria Volonte ) porte une partie du film sur ses épaules. Truculent, brutal, jouisseur, il contraste jusqu’à la caricature avec son inexpressif ami américain froid, distant et tiré à quatre épingles (l’acteur d’origine suédoise Lou Castel) . Ce genre de duo improbable fait penser à Danton et Robespierre à l’époque où ils étaient encore amis. L’un des deux se considère comme un libérateur du peuple, l’autre est intéressé surtout par l’argent. Par amitié El Chuncho va trahir sa cause et ses amis et le tandem mal assorti restera uni pour les pesos et pour le pire jusqu’au twist final.
Parmi les personnages secondaires Adelita (l’ex-mannequin Martine Beswick) ne passe pas du tout inaperçue. Et Klaus Kinski dans le rôle d’El Santo (un défroqué révolutionnaire fanatique) est à la fois flamboyant et effrayant comme d’habitude.
Il semble clair que les protagonistes ne sont que de simples tueurs. Les soldats mexicains subissent un massacre en règle dès le début ce qui empêche toute empathie avec les révolutionnaires par la suite. Au vue de la filmographie de Damiano Damiani on voit qu’il est plus intéressé par les arnaques, les vols, les assassinats et les faux-semblants que par les problèmes sociaux ou existentiels. Ou alors si le message du film est de faire passer ce benêt d’El Chuncho pour un héros révolutionnaire le film serait bien raté. Je dis ça car faire une confiance aveugle à des amis avec des tête comme ça, ça ressemble à l’absence de cabeza sous le sombrero.
A cause de ses ambiguïtés et du trop grand nombre de films sur la révolution mexicaine El Chuncho est relativement méconnu. C’est pourtant un excellent film avec attaque de train, attaque de caserne, affrontement à deux contre cent et, au lieu de sombrer dans le moralisme frileux des films américains, il donne une vision de l’humanité totalement pourrie conformément aux règles du western italien.