Dans le catalogue infini de films adaptés d’un fait divers, El Clan ne se démarque pas de façon ostentatoire. Relativement linéaire, sans effet de manche ni décalage prononcé, il restitue l’affaire d’une série de kidnappings réalisés en Argentine dans les années 80, et faits en famille au vu et su de la quasi-totalité des membres.
C’est là le point qui intéresse le réalisateur : traiter de la complicité passive, et des moyens par lesquels on en vient à se compromettre, volontairement ou non, dans le crime crapuleux.
L’ancrage historique vient renforcer cette place du patriarche, ancien Général qui se voit destitué et poursuit sa domination violente, mais de façon désormais officieuse. Le destin d’un pays, qui ne parvient à se débarrasser des fantômes du passé, se joue dans une maison obscure dont les caves sont remplies de cris qu’on tente vainement de couvrir par une radio constamment allumée.
El clan joue sur deux tableaux : ce silence oppressant, cette absence de débat imposée par le père, et que toute sa famille prend pour argent comptant, et les élans de vie d’un des fils qui entame une vie active et sociale (sport, petite amie, profession…) qui pourrait exister sans le crime. Sur cette tension, le film joue une partition convaincante : loin d’un manichéisme facile, il montre l’emprise de l’un comme les lâche compromis de l’autre, tissant un écheveau inextricable dont l’issue ne peut être que tragique. Le fait d’annoncer très tôt le dénouement par un flash forward ne fait que renforcer cet étouffement généralisé, accentué par une photographie jaunie et naturaliste, privilégiant les intérieurs surcadrés et les extérieurs nuits.
Si le récit s’attache à faire état de cette neutralité malaisante, particulièrement bien rendue dans le visage glacial de Guillermo Francella, ou dans le montage alterné entre les séquences de rapt et de vie quotidienne, il sait aussi ménager une tension croissante des criminels pris à leur propre piège : coups de téléphone, regards permanents dans le rétroviseur attestent de la fin imminente d’un règne silencieux.
Sans révolutionner le genre ni se révéler mémorable en terme de mise en scène, El Clan est un film d’atmosphère, qui sait tirer de sa neutralité apparente une charge dénonciatrice, particulièrement dans le rôle dévolu à la mère. Presque inexistante, effacée, dénuée de tout discours, elle est celle qui sait et s’accommode : une figure familière de la banalisation du mal.
(6.5/10)