Quelques années séparent "El Dorado" de "Rio Bravo". Et c'est comme si Hawks avait eu envie de revivre "Rio Bravo", en faire une variation sur le même thème, vérifier qu'un scénario tient la route si on change quelques données ou quelques personnages, …
Peut-être se faire un dernier plaisir avant de terminer sa carrière…
D'ailleurs, Hawks reprend la même scénariste Leigh Brackett mais organise la mise en scène différemment ; John Wayne n'est plus le shérif mais un mercenaire qui arrive inopinément dans ce bourg El Dorado et fait la rencontre du shérif, un grand ami d'autrefois (Robert Mitchum) et d'une belle brune, bonne copine d'autrefois (Charlene Holt) : nostalgie, nostalgie. Il a toujours le même code moral qui le fait refuser la mission honteuse pour laquelle il était engagé.
Par contre, il y a une différence de taille, c'est l'espace-temps. Alors que l'action de "Rio Bravo" se déroulait sur une durée limitée dans le temps et concernaient les habitants de Rio Bravo et un périmètre restreint, l'action dans le film "El Dorado" se déroule sur plusieurs mois et avec des échanges avec l'extérieur. John Wayne vient d'ailleurs et repart ailleurs pour revenir plusieurs mois plus tard. Il en sera de même pour un autre mercenaire qui vient de l'extérieur.
Il y a une gaité implicite des personnages et un humour dans "El Dorado" plus importants. Le film est bien plus positif et laisse entendre que la ville d'El Dorado a vraiment mérité son nom. La preuve c'est que cette grande bringue de John Wayne, comme ce jeune James Caan pourraient bien s'y caser.
James Caan ? En voilà un acteur de la nouvelle génération qu'il est agréable de croiser ici ! Son rôle de "Mississipi" est le pendant de celui de "Colorado". Mais alors que "Colorado" était du genre tête brûlée avec le doigt nerveux toujours sur la gâchette, "Mississipi" lui ne sait pas tirer au flingue et est un gars beaucoup plus posé et réfléchi. Alors que le premier avait un caractère soupe au lait, le deuxième a une tendance marquée pour la poésie et est respectueux de ses maîtres.
Par contre le Stumpy (Brennan) de Rio Bravo se retrouve assez bien dans le Bull joué par un superbe Arthur Hunnicut (pour les amateurs, c'était le Zeb Calloway de la "captive aux yeux clairs" du même Hawks).
Je l'ai déjà dit, Robert Mitchum, acteur que j'apprécie toujours car il a une indéniable présence sur scène, joue le rôle d'un shérif (romantique car il devient alcoolique suite à un chagrin d'amour !) qui saura surmonter son humiliation contrairement à James Dean. Il n'y aura pas ici de scène tragique du dollar dans le crachoir. Par contre ceux qui s'amusent à se moquer vont le payer cher dans une splendide et jouissive scène où Mitchum donne sa mesure.
Charlene Holt a un beau rôle et campe là aussi un personnage positif assez analogue à celui d'Angie Dickinson… Peut-être même en léger mieux.
Bref, pour finir, "El Dorado" est bien plus qu'un remake de la part d'Howard Hawks. C'est un bien beau western bien classique où les nostalgiques de "Rio Bravo" ont la chance de pouvoir revivre une belle aventure …
En 1966, les DVD n'existaient pas et Hawks compatissait probablement à l'impossibilité pour son public d'afficionados de revoir "Rio Bravo"… Heu, non, je déconne, c'est pas vrai …
Du coup, il n'y a pas de raison, je lui claque la même note qu'à "Rio Bravo".