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"Trop de perfection est une erreur"

El Topo fut le film qui déclencha la courte mais retentissante vague du "Cinéma de minuit", une farandole de films fauchés, underground, dont les outrances thématiques et/ou visuelles marquèrent au fer blanc l'esprit de révolte culturelle des années 60 et 70.


C'est ainsi que parmi "La nuit des morts-vivants" de Romero ou encore "Eraserhead" de Lynch, s'élève El Topo, film mexicain, le second de Jodorowsky, réalisateur, mime, scénariste de BD, romancier, conteur, tarologue et détenteur de bien d'autres vies encore.


Représentant quasi unique du "western acide" ou psychédélique, l'oeuvre de Jodo (pour les intimes) est aussi ambitieuse que bancale. Les acteurs n'en sont pas vraiment. Le montage est bien trop abrupt. Le sang est trop rouge, les scènes d'action peu crédibles. La violence et le sexe sont omniprésents. Le scénario, est à la fois simple et tordu. Tout respire la naïveté, la spontanéité... la passion.


"Trop de perfection est une erreur" déclame le héros du film, interprété par le réalisateur lui-même. L'erreur devient une quête initiatique. Un récit mythologique d'un homme perdu dans une efflorescence de symboles mystiques. Jodorowsky est un chercheur spirituel infatigable qui ne cesse de poursuivre Dieu dans la déconstruction de la pensée, dans l'absurdité, dans la folie. El Topo s’enivre d'un défi surhumain, celui de se confronter aux quatre grands maitres du désert afin de s'élever au rang de surhomme.


Il échoue en réussissant. Se rend compte de l'inanité de son orgueil. Il se drape dès lors d'un dépouillement qui fait écho à celui de ce film, formellement de guingois. Jodo en est pleinement conscient et joue avec cela, ne craint pas de montrer la laideur et la crasse comme éléments d'un monde corrompu. Dans l’esthétique suintante de son film, dans la répugnance, naissent des images de fragile beauté qui fascinent d'autant plus qu'elles semblent presque accidentelles. L'humilité consciente d'El Topo élève le héros tout comme le film.


C'est un voyage sans réponses, une œuvre qui vous répugne ou vous fascine. Qui vous ennuie ou vous remue. C'est un film dont la maladresse devient une force brute, dont la faiblesse engendre des images rarement vues au cinéma. C'est un film sans doute impossible à noter objectivement, mais dont l'expérience est pleinement artistique au sens non cynique du terme.


Et j'ai aimé un film qui m'a pourtant rebuté. C'est là pour moi le signe le plus évident de sa réussite.


Amrit
8
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le 25 sept. 2024

Critique lue 25 fois

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