L'initiation au cinéma jodorowskien
Conte mystique, western burlesque, tableau surréaliste ... on peut décrire ce film de bien des façons, mais une chose est sûre, Jodorowsky est un grand malade.
Sorte de pierre angulaire des Midnight Movies "El Topo" a été le fer de lance de cette génération 70s avide de liberté créative et spirituelle, il est resté mythique dans l'histoire du cinéma underground donnant au réalisateur une reconnaissance mondiale.
Il place son récit en plein désert mexicain et dresse le parcours initiatique d'un pistolero repenti qui par sa lâcheté s'efforce de trouver la foi, s'en suis une allégorie christique de la résurrection de l'homme pur qui par la "crucifixion" (par balle) renaît sous la forme d'une sorte de bouddha désireux de libérer les opprimés.
Un film vraiment singulier, "El Topo" est en marge du courant traditionaliste et propose un point de vue quasi métaphysique de l'objet cinématographique, une œuvre autant fascinante que dérangeante, certaines scènes sont totalement barrées forçant à pousser le spectateur dans ses retranchements, il est même parfois délicieusement subversif. Jodorowsky se contre-fout de la technique (c'est blindé de faux raccords), là n'est pas son intention, plus celle de nous faire voyager dans cet univers lubrique, à poser une réflexion morale et existentialiste, à nous libérer de nos esprits codifiés en somme, je comprend tout à fait son succès de l'époque, le cinéma avait besoin de franchir une barrière.
Pas mal de déballage de violence sanglante ou de sexe suggéré (comme le fameux cunilingo-cactus), des moments choc, des images me reviennent comme cette roulette russe ou cette immolation finale, Jodo n'y va pas par quatre chemins et ne compte pas prendre des pincettes pour nous guider dans son récit, et je dois dire que ça marche, montrer l'horrible et le glauque en gardant un certain brio dans sa réflexion sous-jacente, ça démontre une certaine classe et c'est la preuve d'un réalisateur qui n'a pas peur de bousculer les consciences, peut importe que ça fasse mal, Jodo est une sorte de violeur sympa et excentrique.
Cependant c'est tellement volontairement décalé et surréaliste qu'il en devient un peu excluant, on tombe parfois dans l'absurde et le risible, moi qui accorde beaucoup d'importance à la mise en scène j'ai pas franchement été gâté, il faut obligatoirement faire un effort pour passer à côté de ces défauts et ainsi apprécier le film à sa juste valeur, se laisser porter en gardant une certaine clairvoyance. J'imagine que fumer un gros bédo doit bien aider à comprendre toutes les petites subtilités et symboliques de "El Topo", pas de bol j'ai arrêté il y a un bon moment cette cochonnerie, mais avec du recul je me dis que pour ce film en particulier ça aurait presque valu le coup de s'y remettre juste pour cette petite séance, enfin bon ...
"El Topo" mérite son statut d'OVNI culte du cinéma underground, une œuvre en tout point unique qui même à travers son aspect "sale" et difficilement introspectif parvient à charmer et fasciner, une véritable bonne expérience.