Wo Shing est l’une des plus anciennes triades de Hong Kong. Tous les deux ans, les oncles, les anciens de la pègre, votent pour leur président. Deux candidats sont pressentis. Lok, pragmatique et mesuré, a le soutien de la plupart des oncles. Mais Big D a son argent et ses menaces, c’est un chien fou, il est dangereux. La Wo Shing est au bord de l’implosion.
Avec un tel cadre de jeux d'influences, Election fourmille de personnages, aux liens différents, aux strates de loyauté propres, qui ont tous une part à jouer. Tous ont leur importance, tous ont un rôle. Entre code d’honneur et opportunisme, entre traditions et appât du gain, les alliances se font et se défont.
La triade est belle, car elle est noble, aux yeux de Johnny To. Mais elle n’est pas seule, la police n’est jamais loin, hésitante entre la volonté de l’exterminer et celle de la réguler. Le film s’accorde à dire qu’elle occupe une place unique dans la société de Hong-Kong. Ce qui intéresse le cinéaste ce n’est pas de quoi elle vit, ses méfaits, mais bien les hommes qui la composent, et ce jeu des influences toujours renouvelé.
Malgré l’extrême tension qui habite ce jeu des pouvoirs, Johnnie To filme les scènes et ses personnages avec une grande douceur. Les moments les plus forts en intensité se font lors de scènes faussement banales. L’élection se déroule lors d’une séance de thé, la confrontation entre les deux prétendants devant un feu de circulation. Dans le cadre de l’élection, To utilise un cadrage resserré pour capter la nervosité entre les différents oncles avant que la dégustation de thé apaise la situation, à l’image de la caméra qui tourne légèrement en s’éloignant, apaisée.
Tout le jeu du film est dans cette tension, toujours présente, mais jamais exacerbée. Entre le calme de Lok et la fébrilité de Big D, interprétés par Simon Yam et Tony Leung Ka-fai, il y a toute une variété de personnages, parfois campés juste de quelques traits de personnalité, et qui pourtant sont d’une crédibilité assez impressionnante. La distribution est chargée, et il n’est pas toujours facile de s’y retrouver, mais le jeu d’acteurs est finement interprété, chacun semblant à sa place.
Avec si peu de scènes d’actions, Election utilise d’autres ressorts, pour un film toujours captivant, où chaque scène peut se déjouer d’une façon inattendue. Ces personnages, Johnny To les filme avec un grand respect, avec le soin de la bonne scène, et ce toujours avec une grande sobriété. D’une évidente maîtrise, cette Election est belle et captivante.