"God... Bless... America..."
Film indépendant américain de 1973 assez méconnu et unique oeuvre réalisée par James William Guercio plus connu dans la sphère musicale américaine, c'est un peu à l'aveugle que je me suis lancé dans le visionnage d'Electra Glide in Blue qui était l'objet d'une rétrospective à mon cinéma. Une oeuvre qui gagnerait à être connue.
Ce film a le mérite d'être parfaitement ancré dans son époque, à vrai dire le film propose même une lecture de son époque où l'American Dream s'éteignait, avec tous les espoirs que celui-ci aura engendré et déçu. Electra Glide in Blue narre l'histoire d'un policier en quête de son rêve, qui a son objectif: celui de devenir enquêteur, et ce dans une étape transitoire importante dans la culture américaine contemporaine, la fin de la contre-culture justement, la fin de l'utopie hippie qui canalisait certains habitants de l'Amérique profonde à cette époque. Ce film est un road-movie amer, pessimiste et peut-être une des meilleurs oeuvres cinématographiques traitant du thème de la solitude, une solitude interprétée brillamment par ce Robert Blake plein d'espoir qui chevauche sa moto Electra Glide dans ces vastes étendues désertiques qu'il souhaite quitter un beau jour ainsi que ce monde corrompu et pourri dans lequel il vit chaque jour.
Techniquement parlant ce film est admirable. James William Guercio confère un rythme particulier à son film, il se veut poseur, observateur mais aussi fin philosophe. Il saisit l'essence de ses personnages sur l'instant, leurs faits et gestes poussent à l'interrogation et aident à comprendre la mentalité de l'époque et le véritable drame social qui se jouait. La photographie est excellente, propre et possède une symbolique particulière dans les passages de l'ombre à la lumière, l'esthétique du film est travaillée, de plus on nous offre de beaux plans et une mise en scène très solide qui va chercher volontiers chez Peckinpah sur les rares passages d'action. De plus le film s'inspire aussi du western, influence perceptible dans le choix des décors mais aussi de certains plans balayant l'étendue de l'espace et la solitude du protagoniste. Electra Glide in Blue est plus un film social qu'un film d'action.
Scénaristiquement parlant je l'ai déjà mentionné, ce film subtil reste d'une grande richesse tant sur les thèmes abordés que sur la façon dont il les raconte. Les interprètes sont remarquables, Robert Blake, acteur non-star mais d'expérience, offre une prestation solide, il incarne à merveille ce microcosme isolé, ce mince d'espoir de survie de l'American Dream au coeur d'un monde dominé par la corruption et surtotu la douleur. Les seconds rôles sont aussi brillants, ils incarnent parfaitement cette douleur. Ah puis bien entendu je ne peux pas oublier de parler de la bande-son. Guercio étant musicien à la base, le choix de la BO fut délicieux et ma foi pertinent, je pense à cette chanson finale qui veut tout dire. Bref des musiques bien 60's-70's qui ne furent pas pour me déplaire.
Electra Glide in Blue en quelques mots c'est un film fauché qui n'à rien à envier aux grosses productions américaines pour les rares scènes d'action qu'il propose. C'est aussi et surtout un film dôté d'une mise en scène et d'une scénario de grandes valeurs, ce film est d'une grande intelligence, une magnifique réflexion sur la société de l'époque mais aussi sur nos utopies, nos désirs et comment ceux-ci sont en contradiction avec le milieu dans lequel on évolue, Electra Glide in Blue reste d'une modernité saisissante. Je noterais également que la fin est une des plus belles qu'il me fut donné de voir au cinéma. Une petite perle rare qui intéressera les amateurs de Cinéma, un mix entre cinéma de genre et d'auteur qui ne m'a pas laissé indifférent, je recommande vivement ce petit bijou américain.