Ce film à fait l'objet de beaucoup de débats houleux et de nombreuses controverses, pourtant il faut le dire, c'est indéniable, ce film est d'une incroyable beauté. Celle-ci n'est pas visible comme on pourrait le voir dans quelconques films mais elle est bien présente et cachée derrière le film lui-même.
Daft Punk's Electroma est un film relativement court (1h09) constitué uniquement de nombreux plans séquences et d'aucune parole. Beaucoup, probablement plus que je ne l'imagine, ont émis des hypothèses ou réalisées peut-être des analyses ou des études à propos de ce film. Et comme ce film est une richesse et un apport presque infini de réflexion sur la vie, le monde, l'univers, soi, les autres, je ne peux m'empêcher d'apporter ma pierre à l'édifice.
Si l'on interprète bêtement l'histoire, ce sont simplement deux robots, les meilleurs amis robotiques du monde, qui décident de devenir humains par le biais d'une opération, alors que dans leur monde, les êtres vivants sont des robots. Ainsi on voit nos deux compères (ça se dit pour des robots?) se transformer en humains et constater avec effroi que, d'une part le regard des autres les agressent constamment, et d'autre part leur chirurgie s'avère être un désastre total puisque le masque d'humain qu'ils portent, fond au soleil. Ils s'exileront par la suite, se sentant chacun exclut et honteux de leur acte, ils s'enfuiront en marchant, marchant, jusqu'à vouloir en finir définitivement avec la vie (ou l'informatique, ce sont des ... des robots quoi).
Premièrement, en dehors du scénario, les Daft Punk nous offrent de sublimes décors, toujours en mouvement. Pour ce film, les Dafts ont choisi une bande son correspondante avec perfection aux significations que peuvent avoir ce film, à des instants précis. Cette bande-son n'est pas d'eux.
Mais c'est avec celle-ci que les Daft réussissent l'exploit de faire vivre un décor de collines lors d'un plan séquence où il ne se passe rien d'autre qu'une voiture qui roule.
Ce film à l'avantage certain de pouvoir offrir au spectateur matière à réfléchir, mais il est clair qu'il est nécessaire de prendre du recul sur le film pour pouvoir juger.
Daft Punk's Electroma, en un seul plan séquence, réussit à donner une ambiance humaine aux regards des robots habitants d'une ville. Il permet de donner une expression à un robot, une vie, une âme. On peut comprendre le ressenti d'une boîte métallique sans le lire sur son visage (il en a pas). La solitude, la honte, le rejet, l'union. Tous ces sentiments peuvent être ressentis émanant des robots alors que leur corps est froid et sans vie génétique à l'intérieur. Comme si, selon le duo de DJ, les robots pourraient posséder une capacité de penser et de sensation intérieur.
Daft Punk's Electroma réussit, avec un habile jeu d'insistance sur les plans et les décors présentés, ainsi qu'un jeu de lumière du meilleur effet, à nous faire apparaître la vue du sexe d'une femme comme étant un simple paysage de collines de sable et de déserts.
Daft Punk's Electroma, en une seule séquence, parvint à donner un visage, une forme pouvant exrpimer les sentiments, à une simple carte de circuits imprimés.
Daft Punk's Electroma accomplit avec virtuosité à donner vie à l'inexpressif.
Deuxièmement, le film ne s'attarde pas uniquement sur des plans visuels, mais également sur des interprétations visuelles personnelles lorsque la parole n'est pas présente pour expliquer la scène au spectateur.
Lorsque les deux robots aperçoivent leur reflet dans une vitre, et qu'il leur montre ce qu'ils sont devenus après leur opération, avec des visages qui fondent à la chaleur du soleil, on peut aisément voir ce contraste comme ce que peuvent ressentir deux étrangers dans un pays où ils sont en tous points différents des autres habitants, ce que peuvent ressentir ceux qui se sentent mal dans leur peau et qui trouvent réconfort auprès de la chirurgie esthétique, ce que peuvent ressentir les personnes souffrantes de trisomie (et pas que) et dont le visage est déformé. Voilà ce qu'en une scène, les Daft Punk réussissent à montrer.
Sans oublier la scène des toilettes, où le contraste est encore plus flagrant. À une même situation, les deux robots vont choisir une réaction opposée, l'un va renier son masque humain et s'empresser sans tarder de le retirer et l'autre va contempler sa propre défaite, sa propre humiliation avant de l'accepter et de tourner la page. Quelle meilleure manière de dire que chaque robot est unique? Que chaque robot, s'il peut posséder une conscience, n'agira pas de la même façon que les autres? Que même si leurs corps et leur programmation sont identiques, leur mode de pensée sera-t-il forcément le même pour tous et ne sera pas une conséquence d'un effet collectif ou social dû à sa condition ou son mode de vie, dû à son entourage?
Mon dieu mais j'allais oublier la scène du suicide... Comment ne pas penser que les Daft Punk sont des génies quand ils peuvent associer l'idée, à un robot, que l'union est indispensable pour sa propre survie et que c'est lorsque l'on a perdu foi en tout et que l'on est au bord du gouffre que le soutiens devient indispensable. Lorsque tout est désespéré mais qu'on ne peut accomplir seul l'acte final, qu'il nous faille ce soutien moral et physique qui nous permettra d'abandonner l'autre à lui seul sans ce soutien si indispensable. Cette scène majestueuse qui impose une vision neutre du futur des robots et l'éloigne de la vision de tous ces monstres assoiffés de vengeance et de pouvoir d'asservir le monde, telles les 3 lois d'Isaac Asimov. Un robot peut-il être assez pure pour accepter sa propre fin lorsqu'il estime que celle-ci est arrivée, ou est-il on ne peut plus humain car il agit comme tel et fuit devant l'adversité? Et ce deuxième robot, qui contemple son vrai visage uniquement au travers de sa propre vision et non à l'aide d'un miroir, qui voit le reflet de sa propre défaite sur son visage (qui est un casque, puisqu'il y a un reflet), et qui ne peut que l'accepter car seul pour surmonter cet obstacle sans avoir la capacité physique d'amorcer sa propre fin.
Oui, ces contrastes et paradoxes sont les plus simplistes du monde et sont magnifiquement bien présentés en nous offrant une multitude d'aspects appelant à la réflexion. Aucune parole, aucun personnage humain, et pourtant une incroyable leçon de vie et de réflexion.
Mais ce n'est pas tout!
En effet ce film fut réalisé après la sortie de l'album "Human After All" (Humain après tout) et ce simple titre, à l'image du film, amène à diverses conclusions au sujet du film. Comment interpréter ce "Humain après tout"?
-Doit-on l'interpréter comme "Bah, après tout, c'est humain" auquel cas cela reviendrait à dire que la machine est une extension même de l'homme puisque produite par l'homme.
-Doit-on considérer cela comme l'après-vie, nous sommes humains, mais après? Avons-nous créer les robots non pas pour nous assister, mais pour nous remplacer? (Je laisse méditer là-dessus)
-Doit-on comprendre que l'humain passe après tout, et méprisant sa propre création comme un vulgaire tas de ferraille ne mérite pas d'avoir plus d'importance que ce dit tas de ferraille?
Et j'en passe, la liste est longue.
Irrémédiablement, les Daft Punk ont su prouver leur capacité à instaurer une réelle idéologie et à laisser libre cours à l'imagination du spectateur quant aux conclusions et aux hypothèses à propos desquelles nous pouvons extrapoler à notre bon vouloir.