J'ai toujours pensé que le cinéma (et l'art en général) ne pouvait se marier avec une totale objectivité. Si le consensus peut bel et bien exister autour de certains éléments, le bagage de chacun amène inévitablement un regard différent sur une oeuvre, quel que soit le média utilisé. Alors quand il s'agit d'un projet aussi expérimental et atypique que Electroma, vous pouvez immédiatement balancer toute objectivité aux orties car votre réception du film sera forcément différente de celle du voisin.
Cinéphiles avertis ayant déjà tâté de la mise en scène pour les besoins de leur clip Fresh, les Daft Punk tentent, après le superbe opéra Interstella 5555 supervisé par l'immense Leiji Matsumoto, un croisement entre 2001 et Easy Rider (selon leurs propos), une errance proche de celle qu'orchestra Gus Van Sant avec l'étrange Gerry.
Muet, uniquement accompagné d'une bande sonore inattendue car convoquant Brian Eno, Sébastien Tellier ou encore Todd Rundgren en lieu et place de morceaux du groupe casqué, Electroma colle aux basques de deux êtres indéfinis dans un microcosme froid et désincarné, où tout le monde arbore le même faciès, à savoir celui bien connu des deux membres.
Poème visuel purement contemplatif, franchement abscons, hypnotique pour certains et interminable pour d'autres, Electroma, en plus d'offrir une poignée d'images marquant durablement la rétine (ce plan final, sublime), compense une tendance à la pose facile par quelques instants en apesanteur, par des thématiques sous-jacentes passionnantes même si survolées.
Notamment lorsque le film s'attarde sur une recherche désespérée d'humanité et aborde la question de l'identité, la séquence montrant nos deux "héros" arborer de grossiers masques humains, caricatures du véritable visage de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, apportant à l'ensemble une touche plus que troublante. Comme si les deux amis laissaient momentanément se fissurer leur armure, avouant à demi-mot être engloutis par l'entité Daft Punk.
Pas totalement subjugué par l'exercice mais intrigué par ce qu'il laisse entrevoir de ses créateurs, Electroma fascine autant qu'il agace, naviguant entre délire poseur et réflexion désabusée sur la quête d'identité. Dans tous les cas, l'exercice mérite le coup d'oeil, que vous soyez client ou pas des Daft Punk.