On ne peut pas faire feu de tout bois

Élémentaire trace son chemin dans la lignée de Zootopia, mais traitant de manière bien plus explicite l'immigration la ségrégation urbaine et le racisme systémique. En utilisant cette fois les éléments « primaires », le film arrive à représenter de manière accessible et pédagogique ces différents thèmes. Ainsi comme beaucoup d'enfants d'immigrés, Flamme est confrontée au sacrifice de ses parents et à leur espoir qu'elle poursuive l'œuvre de leur nouvelle vie — ici la boutique — loin de ses aspirations personnelles. Élémentaire est donc une histoire d'appartenance et d'identification, où Flamme cherche à trouver sa place sans renier ses origines ou perdre le respect familial ; un chemin de vie complexifié par sa rencontre avec Flaque, son élément opposé, issu de la caste dominante de la cité.

Le film se déroule une action claire et bien rythmée, il sait alterner les scènes réflexives, les scènes poétiques et les scènes d'action et réussit à aborder plusieurs aspects de son thème central. Il s'arrête cependant à des aspects parfois un peu superficiels, refusant de questionner le système en général ou se concertant parfois sur les aspects les plus évidents de la confrontation entre les éléments. Ainsi on ne verra pas vraiment le développement des composantes culturelles des aériens et terriens alors que ces éléments non plus ne vont pas toujours très bien en harmonie avec l'eau (j'ai noyé suffisamment de plantes pour le savoir).

L'histoire personnelle entre Flamme et Flaque est plaisante mais relativement prévisible, tout comme le final un peu trop optimiste. Sans lui enlever ses atouts et le plaisir de la narration, élémentaire manque donc un peu de profondeur. Une faiblesse du scénario, qui impacte notamment l'évolution de l'intrigue, se trouve selon moi dans le déséquilibre de la caractérisation des personnages. Flamme est un personnage très riche, avec une histoire détaillée, des relations familiales et communautaire complexes, des aspirations contradictoires, une vraie trajectoire d'évolution au cours du film et un mélange entre force de caractère et vulnérabilité. En comparaison Flaque paraît très insipide. Ici d'une famille talentueuse et aisée, il ne présente que peu d'aspérités si ce n'est sa naïveté et sa bonne volonté, n'a pas vraiment d'aspiration personnelle et évolue très peu au cours du film. Alors qu'il appartient à la caste dominante et privilégiée, il ne remettra jamais en cause cet état de fait, et par conséquent n'a pas vraiment de prise de conscience du monde dans lequel évolue Flamme. Cela n’enlève en rien à son geste de bravoure final mais donne un aspect relativement bancal à leur relation : Flamme veut beaucoup de choses, Flaque veut juste Flamme.

Côté visuel, Pixar a réussi un très beau travail dans la personnification du feu et l'ensemble de la 3D est au niveau, ce qui est désormais un peu un attendu de leur part. En revanche sur certaines scènes, certains éléments de décor comme le sol ou le plafond deviennent quasiment photoréaliste et leur mélange avec des protagonistes plutôt cartoonesques fait basculer le film dans la vallée de l'étrange. Je pinaille bien sûr. Cela étant dit, si Élémentaire reste techniquement beau, il manque lui aussi de souffle et d'inspiration. En marchant sur les traces de plusieurs autres films d'animation il manque tout simplement d'émerveillement et de surprise. C'est pour moi un petit film qui ne réussit que partiellement ses ambitions.