Issus de milieux sociaux opposés, Elena et Vladimir vivent ensemble, mariés et ont chacun un enfant issu d'une précédente relation. Pourtant lorsque Sergueï, le fils d'Elena, a besoin d'argent pour payer des études à son fils, Vladimir est réticent à l'idée de subvenir aux besoins de sa belle-famille...
Le film s'ouvre sur la vision d'Elena, se levant dans son immense et froid appartement où elle fait chambre à part avec son mari fortuné. On découvre peu à peu un couple froid où les tensions sont silencieuses, elle s'occupant surtout des tâches ménagères et usant de sa pension, accordée par son mari, pour aider son fils. Débutant comme une vision d'une Russie déshumanisée sous Poutine, Andreï Zviaguintsev rentre peu à peu dans le thriller, s'interrogeant moralement sur Elena et la mettant face à un horrible dilemme.
C'est d'abord une femme semblant triste que l'on découvre, servant de bonne à son mari et faisant tout son possible pour aider son fils, lui-même père et marié. Andreï Zviaguintsev prend son temps pour analyser, en finesse, ce personnage et nous y intéresser, mais peu à peu, c'est l'ambiguïté qui va planer sur elle et ses intentions, ce que retranscrit très bien Andreï Zviaguintsev à travers une écriture de qualité, sachant donner de la profondeur et de la consistance aux enjeux et personnages. À travers ce scénario, il aborde aussi, de manière intelligente et pertinente, la situation de la Russie, que ce soit économique ou sociale. C'est cette Russie froide et détruite qui semble ne s'être jamais remise de la fin de l'URSS qu'il analyse et met en avant, que ce soit en arrière-plan ou directement à travers les personnages, leurs conditions sociales ou encore le fossé séparant la richesse et la pauvreté et plusieurs scènes marquantes en témoignent, à l'image de l'effrayant montage final ou des voyages en train où la solitude du personnage se fait totalement ressentir.
Andreï Zviaguintsev prend son temps pour observer ce pays et met en place une ambiance sombre et clinique. Il met bien en avant ses personnages à travers une belle réalisation, majoritairement composée de plans larges, et en fait ressortir tout l'humanisme ainsi que la consistance, souvent propice à la réflexion. La photographie est adéquate à l'atmosphère mise en place, tout comme la bande originale de Philip Glass et Zviaguintsev dirige formidablement ses acteurs, Nadejda Markina en tête.
Andreï Zviaguintsev fait cohabiter la justesse et la pertinence de ses propos avec une impeccable mise en scène, permettant de nous immerger dans cette Russie froide et déshumanisée pour y suivre le parcours d'une femme au dilemme de plus en plus ambigu et cruel... (Merci à Sergent Pepper pour la découverte!)