Pour apprécier Elena, il faut aimer le cinéma qui prend son temps. Et même quand on en en a l'habitude, il faut bien l'avouer, Elena surprend tout de même.
Le spectateur s'étonnera de cette constante suspension, et ce dès le premier plan - l'immobilité de la première image semblant être phénomène de mode en 2012, avec Shame pour ne donner qu'un exemple. Si ces premières minutes de fixité apparente aux imperceptibles changements vous déplaisent, passez votre chemin. Car si d'ordinaire, la suite prend du mouvement, ici il n'en est rien !
La caméra voyagera ainsi de pièce en pièce, d'objet en objet, de micro-action en micro-action, s'immobilisant longuement afin que le spectateur s'en imprègne et les respire jusqu'à la dernière seconde précédant la lassitude.
Et là se trouve l'essentiel : jamais le temps, étiré autant qu'il peut l'être, ne paraît long. L'histoire paraît simple, bien que révélant en fait de véritables problèmes de société et des personnages complexes. Loin du dramatisme, le traitement des faits est simplement vraisemblable. Un rythme régulier brisé très habilement et une fois seulement, si bien qu'on pourrait presque croire à un changement de vitesse de lecture. Des acteurs convaincants, un thème musical prenant (Philip Glass, oui !) et illustrant parfaitement l'infime mais omniprésente tension. Des moments de toute beauté.
Un coucher de soleil d'un orangé merveilleux se cachant derrière des usines. Un bébé emporté par la décontraction d'un sommeil profond, entouré des motifs du couvre-lit sur lequel il s'est endormi. Une femme, qu'on ne voit que de dos et dont on nous offre le reflet, ajustant consciencieusement une pince à cheveux. Et même, ces branches d'arbres immobiles que seuls troublent les passages du vent, et sur lesquelles un oiseau vient parfois à se poser...
Très belle peinture d'un milieu social ; moment de grâce, en apesanteur...