Parcours par chœurs.
Du premier au dernier plan, Elephant s’impose comme une étrange mécanique, un objet hybride qui prend le parti de nous emmener hors des sentiers battus et de fouler au pied les attentes dont il peut...
le 1 mai 2015
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2ème critique
Le bouddhisme
Très influencé par cette religion — dans la mouvance de la contre-culture de la côte ouest — Gus van Sant essaie d’obtenir une unité organique temporel dans son film. À l’aide de trois grandes boucles, le réalisateur parvient à trouver cette unité : le labyrinthe construit par ces boucles donne en effet l'illusion de l’unité du film. Cette idée de labyrinthe est soulignée par le taureau — référence au Minotaure mythologique— du T-shirt de John. Mais aussi plus ou moins empruntée aux différents parcours des personnages dans Shining de Kubrick (film dont la lumière est largement reprise en plus des travellings avant).
Cela s’inscrit dans la philosophie bouddhiste selon laquelle, nous ne devons pas avoir de prise sur le monde : il s’agit de l’observer de le contempler tel qu’il est. Ainsi Gus van Sant fait le choix de suivre ses personnages pour ne pas montrer au spectateur l’action, mais plutôt pour le laisser observer celle-ci. On retrouve enfin cette philosophie bouddhiste dans la méthode du cinéaste : il ne prend qu’une seule prise pour ne pas changer l’ordre des choses qui est établi par le monde.
La politique et la guerre
Quelques indices invitent à réfléchir sur le sens politique du film comme le souligne Stéphane Bouquet. Le titre même du film —Elephant— renvoie à l’animal fétiche du parti républicain. De plus, lorsqu’au début du film, le père et le fils sont dans la voiture, c’est le fils qui demande à son père — tout en évoquant la seconde Guerre Mondiale — de lui prêter son arme pour aller à la chasse le week-end d’après. Ainsi, le père comme le fils, vont l’un après l’autre à la « guerre » : George H. W. Bush comme le fils George W. Bush. Cette idée de voir deux figures présidentielles est renforcé par deux éléments : l’acteur qui joue le père avait joué dans une série le rôle de George H. W. Bush. Ensuite la fille marginale que l’on voit en cours de sport regarde en l’air, avec son pull sur lequel est inscrit « W », comme à la recherche de l’avion qui passe — métaphore des bombardements causés par George W. Bush en Iraq. Qui plus est, la scène où l’un des deux tueurs s’assoit reprend clairement Full Metal Jacket de Kubrick — film dans lequel la victime s’assoit dans sa crise de folie sanguinaire — et ce film est aussi repris lorsque l’autre frère, à la toute fin du film, chante une chansonnette comme dans la fin du film de Kubrick.
Ainsi l’adolescence comme dans l’ensemble de la tétralogie de la mort de Gus van Sant (Gerry, Last Days, Paranoïd Park et Elephant), est associée au crépuscule, au moment où la perte, le meurtre, la mort sont susceptibles d’avoir lieu.
L’invitation au témoignage et à la douceur pour annihiler le mal
Trois baisers ponctuent le film : le premier du couple du parc du lycée, puis celui d’une fille à John qui pleure, enfin celui des deux jeunes tueurs comme un dernier moment de douceur. De plus, Elias — qui photographie ce couple en train de s’embrasser— photographie aussi les tueurs quand ils entrent dans le CDI. La caméra filme le meurtre, mais celui d’Elias, qui pourtant devrait être à l’écran, est omis — référence au Livre des Rois de l’Ancien Testament où Elias est sauvé par un ange. Ainsi Elias rejoint l’éternité, celle du cinéma qui ne cesse de témoigner.
1ère critique
Sur une musique célébrissime de Beethoven, Gus van Sant saisit une journée dans un lycée des États-Unis : du trajet au lycée jusqu'au retour chez soi, du match de football américain à la salle de cours en passant par les couloirs trop larges. Gus van Sant exploite en moins d'une heure et demie tout le panel d'une histoire lycéenne en empruntant la position de personnages d'horizons variés : du photographe au couple fou amoureux, des adolescents victimes au garçon populaire et attirant, de la fille mal intégrée aux skaters...
La caméra souvent sur l'épaule, Gus van Sant cristallise l'espace-temps par ses ralentis – le fameux moment où John se donne une fessée pour une photo – et donne ainsi une image synthétique du lycée tel qu'il peut être dans sa toute sa beauté, son injustice latente, ses rumeurs, son universalité.
Gus van Sant compose et recompose le récit collectif à partir d'images fragmentées et épouse ainsi un point de vu subjectif et poétique d'un lycée habité. Néanmoins, un aveuglement hante ce lycée, celui de l'administration tout particulièrement, qui tantôt occulte l'être propre de chacun (comme dans le cas de John ou des deux frères victimes de leurs camarades) tantôt prend soin de chacun. À cet effet, Gus van Sant exploite un panel de nuances et de variations pour appuyer son propos : les adultes sont une toile de fond (à la cantine), un personnel discret et familier (club de photographie), un personnel nécessaire mais qui manque d'attention (la prof de sport), un obstacle inutile et bureaucratique qui a déjà oublié son humanité et son rôle premier : veiller au bien-être de tous (le directeur trop sévère quand John arrive en retard).
La lumière est un des éléments exploités par Gus van Sant – repris de Shining et plus particulièrement du salon Colorado qui frappe le faciès monstrueux, fou et caricatural de Jack Nicholson où la lumière l'aveugle pour oublier sa responsabilité – pour manifester cet aveuglement. La lumière vive frappe, à travers les grandes vitres, le sol des couloirs du lycée et évoque cet aveuglement, ce lycée "overlook" oublie, néglige les marginaux, les oubliés de la classe : la jeune fille pas très zélée pour le sport et les deux frères victimes. La négligence annonce le massacre des lycéens, comme la folie et la négligence de Jack Nicholson vis-à-vis de ses responsabilités annonce la tentative d'assasinat de sa propre famille.
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Créée
le 26 mars 2018
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