"Dans Elephant j'rêve d'être le beau gosse blond"

Pour être tout à fait honnête, je ne m'attendais pas à grand chose en regardant ce film. J'avais entendu aussi bien du mal que du bien et c'est un peu par ennui que je l'ai lancé. Et quelle surprise ça a été !

Dans ce film nous suivons donc la journée de plusieurs étudiants dans l'école de Columbine durant la journée où a eu lieu la tuerie dans cette même école dans les années 90. Le fait que l'on sache où se déroule l'action est assez perturbant car on pourrait s'attendre d'un film qui se base sur une histoire comme celle ci d'épouser le point de vue du tueur et de filmer son quotidien avant son acte ou bien de se focaliser sur l'acte en lui même. Or le réalisateur aborde complètement différemment la tuerie et va se focaliser plus sur d'autres étudiants que sur les auteurs du massacre (même si on suit quand même les tueurs à certains moments du film) et la tuerie aura lieu à la toute fin du film.

Le traitement des personnages est très pertinent je trouve : la caméra suivra nos différents protagonistes au fil du temps dans énormément de leurs problèmes et cela permettra d'illustrer le mal être de ces différents adolescents de manière à ce que l'identification avec les personnages soit très facile. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai autant aimé ce film je pense: On ressent vraiment énormément ce malaise et ce manque d'affection et d'amour des personnages. Ce parti pris du réalisateur est extremement intéressant étant donné que sa manière de traiter la tuerie de columbine va être complètement différente de ce que les médias ont pu dire au moment des faits. Gus Van Sant va se focaliser sur la raison de la tuerie qui semble être la raison principale du massacre : les auteurs de cette fusillade, victimes de Brimades au lycée, un lieu inoffensif en apparence mais impitoyable en réalité. Alors que les médias expliquent la tuerie, semble-t-il, par un accès beaucoup trop facile aux armes à feu aux états-unis, le réalisateur parle plutôt d'une jeunesse incomprise.

De plus, comme j'ai pu le dire auparavant, le fait que l'on ne sache pas qui est l'auteur du massacre au début du film montre quelque chose d'extrêmement troublant : Si il ne s'était rien passé ce jour là, qui sait, une semaine après ou bien un mois après cette jeune fille qui subit les brimades de ses camarades ou bien ce garçon ayant un père alcoolique et semblant avoir des difficultés scolaires auraient très bien pu commettre, eux aussi, un acte similaire à cette tuerie et ce pour les mêmes raisons. J'ai l'impression que le réalisateur a aussi voulu faire entendre cette idée là dans son film et je trouve que c'est quelque chose de vraiment intéressant.

La non-chronologie du film nous perd à certains moments comme ses personnages. Les longs plans séquences du film nous perdent aussi dans ce lycée qui semble immense et labyrinthique. Ces plans séquences donnent d'ailleurs une certaine beauté à différents moments du film : Je pense notamment au moment où un des deux tueurs joue du piano et la caméra tourne autour de lui et son pote arrive au même moment. Cette scène est comme un moment de flottement dans le film et est absolument sublime je trouve.

L'utilisation des sons, que ce soit pour les dialogues ou bien pour des bruits comme les bruits de pas dans les couloirs est là aussi assez intéressante. On a même l'impression de regarder un documentaire à certains moments tellement on entend tout : il y a par exemple une scène au début du film se déroulant sur un terrain de sport et alors qu'il film plus "classique" aurait concentré l'enregistrement du son à ce qui est dans le champ, dans cette scène on entend autant ce qui se passe devant nous que ce qui se passe derrière nous. D'autre part les dialogues sont très simples et il y a très peu de musique qui est utilisé (les seules musiques que l'on peut entendre sont des musiques soit jouer par des personnages du film ou bien des musiques écoute par ces personnages). Cette utilisation du son semble vouloir aussi faire surgir un certain réalisme.

Enfin bref je pourrais dire encore tellement de choses sur ce film que je découvre 20 ans après sa sortie mais je pense que cela ne serait pas vraiment pertinent car Elephant est d'abord un film où règne de vrais moments de mélancolie et de pesanteur pour faire quelque chose hors temps : quelque chose indescriptible avec des mots.

Pour résumé, on a donc un film qui parle des élèves de l'école de Columbine sans se focaliser à 100% sur la tuerie qui a eu lieu dans ce même lycée. Belle surprise pour moi et très bon début pour le premier film que je vois en 2023 !