Isabel Coixet a mis 10 ans pour mener à bien son projet d'Elisa y Marcela et n'y est parvenue que grâce à Netflix, qu'on puisse le déplorer ou non. La réalisatrice barcelonaise, femme engagée (y compris contre l'Indépendance de la Catalogne), a souvent fait preuve dans sa filmographie de délicatesse et d'humanité (Ma vie sans moi, The Secret Life of Words). C'était nécessaire pour traiter de ce sujet de l'homosexualité à une époque, le tournant du XXe siècle, où deux femmes ne pouvaient évidemment pas afficher leur passion, aux yeux de la Société en général et de l’Église en particulier. Isabel Coixet a choisi avec raison le noir et blanc qui capte au mieux le climat d'obscurantisme et d'intolérance qui régnait en Galice au moment où deux jeunes filles tombent éperdument amoureuses l'une de l'autre durant leurs études. Le film a de très grandes qualités esthétiques et une sensualité certaine qui ne sont pas loin de prendre le pas sur son thème majeur mais la cinéaste évite tout de même l'académisme par sa sincérité et surtout l'interprétation remarquable de ses deux interprètes principales. Elisa y Marcela n'est sans doute pas un film parfait mais il est non seulement un hommage à la ténacité et à l'honneur de ces femmes face aux conventions et à la bêtise mais il adresse surtout un message de courage à toutes celles (et à tous ceux) qui vivent encore leur amour dans la clandestinité et la peur, menacées dans de nombreux pays par la loi et jusqu'à la peine de mort dans certaines contrées.