Désir meurtrier
Le contrôle et la manipulation sont des thèmes récurrents dans les films de Paul Verhoeven notamment quand ce dernier s’entoure de personnages féminins comme l’étaient Nomi (Showgirls) ou Catherine...
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le 26 mai 2016
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Si j'avais été l'un des rares à aimer la bande annonce du film, je dois avouer que je ne m'attendais pas à une telle claque. Elle est un film extrêmement radical, qui montre que Verhoeven, même 8 ans, déjà, après Black Book garde tout son sens de la violence, tant physique que psychologique.
Elle est un film dont on ne ressort pas indemne, un film puissant, un film qui mélange les genres et qui surtout ne se lasse pas de surprendre son spectateur, de le mettre mal à l'aise.
Le rythme est d'ailleurs très particulier et participe pleinement à ce malaise. Je n'ai pas l'habitude d'aimer en plus ce genre de film où il n'y a pas une seconde en trop, au contraire, j'aime lorsque les scènes s'étirent, prennent leur temps, pour inscrire ainsi les personnages dans une réalité. Mais là, chaque coupure, chaque moment où une séquence s'arrête, on a une ellipse où quelque chose de grave, de dérangeant s'est produit, ce qui renforce, forcément, le malaise. On sent que quelque chose n'allait pas à la séquence précédente et là on reprend et c'est étrange également. On n'est jamais dans le confort.
Et j'adore ce sentiment d'être là, sans trop savoir si c'est du lard ou du cochon. C'est d'ailleurs un des points commun avec Ma Loute, c'est que le film est très drôle (la salle était hilare à plusieurs moments et moi aussi), mais il ne l'est pas forcément explicitement, on a plein de scènes où l'on ne sait pas trop si l'on doit rire ou pleurer. C'est extrêmement inconfortable, j'adore ne pas savoir sur quel pied danser.
De plus, l'imprévisibilité du film en rajoute une couche. Parce que comme on le sait dans la bande annonce Huppert a été violée et il va être question de retrouver le coupable, le violeur. On se doute, connaissant les films du genre qu'elle le connaît. Le film donne énormément d'indices, élimine chaque suspect l'un après l'autre ce qui permet de malgré tout surprendre le spectateur, mais sans jamais trop en faire, sans jamais qu'on soit là face à une révélation majeure.
D'ailleurs la relation qu'elle entretient avec lui est juste géniale, c'est malsain, ambigüe... Mais vraiment, profondément et de manière viscérale. Tout ce que n'est pas le cinéma d'habitude. On est face à une oeuvre totalement atypique. D'ailleurs aucune concession n'est faite. Il n'y a aucun réel moment de détente, même lorsque le film est franchement drôle, parce que si la situation est drôle, on rit jaune, on rit parce qu'on est pas habitué, parce que ça ressemble à du vaudeville, mais c'est traité comme un thriller.
Les personnages ne sont pas en reste, ils sont tous géniaux dans ce petit microcosme de bourgeois branchés et interprétés par des acteurs tous géniaux, même ceux que je n'aime pas (Efira ou Lafitte (surtout lui d'ailleurs)). Et puis, bordel, Verhoven arrive à rassembler Huppert, Berling, Consigny, Pons (sublime comme à son habitude) dans le même film, il faut le faire. Et j'adore vraiment Huppert, sa manière de jouer la bourgeoise coincée et un peu pas nette dans sa tête. Parce que, pour comparer avec l'incomparable, dans Carol, je déteste Blanchett avec son rôle de bourgeoise huppé que l'héroïne est censée aimer alors qu'elle est coincée et fausse comme pas possible. Sauf que là Huppert, on est pas censée l'aimer, c'est juste le personnage principal, et vu comme elle est timbrée, aucun risque de la prendre réellement en empathie. Cette façon qu'elle peut avoir de dire "Salut", de faire des petits sourires en coin... Je suis juste dingue du personnage. Si Huppert joue toujours un peu le même genre de rôle, c'est vraiment chez des gens comme Haneke ou là Verhoeven qu'elle éclate réellement, parce qu'il savent utiliser son côté assez malsain, son jeu si particulier.
En regardant le film, je tremblais, j'étais mal à l'aise, et même temps j'étais entrain de jouir devant l'écran. Je n'en pouvais plus, j'étais en extase continu pendant 2h. Et il n'y a absolument rien à reprocher au film... C'est une expérience viscérale qui se vit totalement et à fond dès les premières secondes. Les dialogues qui sont parfois extrêmement violents, les situations inconfortables, les vrais moments de malaise entre les personnages et dans la salle... Je citerai juste une scène, que je trouve géniale, mais je trouve tout le film fabuleux et ceci grâce à son rythme effréné multipliant les scènes du genre : Huppert s'engueule avec sa mère et sa mère fait quelques pas hors champ, on l'entend tomber, Huppert devant si c'est pour de vrai et là Consigny, qui est son amie lui gueule dessus : "bien sûr que c'est pour de vrai". Ce moment est fabuleux, parce que là, même Consigny, qui est toujours là pour elle, toujours conciliante, drôle, douce, lui gueule dessus parce qu'elle agit n'importe comment.
Et puis il y a tous ces moments où il se passe quelque chose d'important et c'est traité avec une banalité absolue. Je pense à la scène où Huppert et Berling cherchent un endroit particulier sur une sorte de pont pour faire quelque chose de particulier, je n'en dis pas plus, et là ils font leur truc comme si de rien n'était, envoyé, c'est pesé.
La fin est du même acabit d'ailleurs. J'adore cette fin, totalement cynique, qui fait vraiment fin d'épisode de sitcom alors qu'en réalité tout le film était ultra glauque.
J'étais tellement sous le choc en sortant de la salle que j'en avais mal au ventre, j'étais tellement tendu, crispé, que le film me travaillait au corps. Je suis absolument sans voix, c'était vraiment génial. Et je rejoins les cahiers du cinéma, je ne comprends pas que ce film n'ait pas été primé à Cannes, meilleure actrice, meilleur scénario et surtout palme d'or. Je pense que je préfère même ce film à Ma Loute et ça confirme que cette année on a une grande année de cinéma.
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le 26 mai 2016
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