" La honte n'est pas un sentiment assez fort pour nous empêcher de quoique soit ".

Elle n'est pas n'importe qui. Son père est un tueur en série en attente d'une éventuelle conditionnelle. D'elle, les français ont un souvenir collectif : la photo prise d'une jeune fille, regard vide, glaçant, au petit matin où son père fut arrêté. De ce qui s'est passé entre elle et lui, personne ne le sait. On n'en sait que son regard froid.


Le film s'ouvre sur une scène de viol. Les cris de Elle sont accompagnés des miaulements d'un chat. Ensuite, elle se relève. Elle va prendre un bain. Le sang de ses règles remonte à la surface de l'eau, flirtant avec la mousse blanche du savon. Bien-sûr, elle fait tout disparaître dans les profondeurs. Et puis, la vie continue.


Elle est patronne d'une boîte qui conceptualise des jeux vidéos. Pour le dernier jeu en date, elle trouve que les cris orgasmiques de la fille violée par une espèce de serpent ne sont pas assez " forts ". Tout son staff ou à peu près la déteste. Sa mère va se fiancer avec un gigolo. Elle baise avec le mari de sa meilleure amie. C'est honteux, elle le sait. Mais elle confiera : " La honte n'est pas un sentiment assez fort pour nous empêcher de quoique ce soit ". Voilà sans doute ce qu'elle a appris avec son père. Voilà sans doute ce que je retiendrai du film.


Elle est harcelée. Par son violeur. Elle mène son enquête seule. Elle ne veut plus entendre parler des flics.


Or son violeur se révèle être un voisin à qui elle a fait du pied par un soir de noël. S'ensuit une relation étrange, sulfureuse avec lui... Jusqu'à être vengée.


Comment ne pas adorer Elle ? Toutes les femmes rêvent de se relever ainsi froidement de leur viol, et d'avoir la distance nécessaire pour continuer d'exister. Et comment ne pas admirer Isabelle Huppert, qui avec sa belle soixantaine, se met à jouer une femme qui a encore ses règles ?


Paul Verhoeven surpasse ici Basic Instinct. Il donne un passé à sa prédatrice, et nous fait ravaler fierté et honte d'une seule gorgée.

MûrieElle
9
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le 9 juin 2016

Critique lue 306 fois

MûrieElle

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