Au départ, il y a cette idée un peu tordue et pas franchement alléchante de la fan d'un chanteur l'aidant à couvrir le meurtre de sa femme. Et si dès la scène d'ouverture, l'on assiste à un hilarant numéro de Kiberlain, le film ne tarde pas à prendre sa véritable forme. Plusieurs formes, en réalité.
Il y a d'abord celle - un peu convenue - de la satire évidente sur la célébrité et ses conséquences. Le narcissisme, la solitude, l'isolement : tout y passe. Laurent Lafitte y incarne à merveille cette star-là, chanteur français célèbre mais pas trop. Le film dose d'ailleurs parfaitement les rôles et les situations : lui est une star à sa hauteur ; Muriel est une fan mesurée, à l'opposé de l'hystérie caricaturale que l'on aurait pu attendre. Même ses petits mensonges ne constituent pas vraiment une maladie à proprement parlé. Mais dès le premier rebondissement (dévoilé par toutes les bandes-annonces), le film vire - avec une facilité déconcertante - du comique au tragique ; en une seule scène - extrêmement réussie, totalement invraisemblable mais angoissante au possible.
C'est assurément à partir de là que l'on est forcé de reconnaître le talent de la jeune cinéaste Jeanne Herry, qui signe ici son premier film. De ce pitch totalement loufoque, découle donc ensuite un véritable thriller captivant de bout en bout, se muant tantôt en torture psychologique éprouvante, tantôt en enquête policière à la française parfaitement orchestrée. Car si la réalisatrice possède un talent de mise en scène évident, il convient surtout de souligner son grand sens pour l'écriture, qu'elle met ici au service d'un scénario astucieux, dont les ressorts surprennent constamment et dont les fils conducteurs ne mènent jamais là où on les attend. Herry se permet même de distiller quelques métaphores assez subtiles (dont la très courte scène à la station de lavage) et d'appréhender ses personnages secondaires avec une habileté fascinante.
Elle dresse - au fond - un message assez cynique sur un certain nombre de sujets. Le personnage de Vincent premièrement, dont on ne saisit jamais son réel caractère psychologique, à la fois ambivalent, froid et complexe. Celui de Muriel également qui - sous couvert de sketchs de Kiberlain - permet un regard assez glacial sur l'engrenage du mensonge. La réalité du système policier et judiciaire est dépeint avec une précision assez triste, d'autant plus quand s'y ajoute un qui-proquo invraisemblable, un entrecroisement totalement imprévu de petits événements qui s'entrecroisent et qui fait littéralement basculer l'enquête d'un côté dont on ne dévoilera rien ici. S'il n'est pas exempt de quelques longueurs sur la fin, cet OVNI cinématographique réserve une scène finale qui résume la situation, là encore d'une manière assez pessimiste : il aura fallu un meurtre pour que le rapport de force s'équilibre entre le chanteur et sa fan ; désormais, c'est lui qui dépend d'elle.
Magnifiquement joué, superbement filmé, et remarquablement écrit, il sera difficile de prendre en défaut Elle l'adore, qui surprend constamment son spectateur, assemblant les tons et les genres avec une virtuosité redoutable. Le cinéma français manque précisément de ce genre de films.