Relevé de notes de la comédie (?) française : a touché le fond mais continue à creuser.
Honnêtement je n'avais aucunement l'intention d'écrire sur ce film, une énième production sans ambition qui allait tout au mieux se retrouver dans la catégorie des films dont je n'ai passablement rien à faire. Mais voilà, Elle l'adore marque le coup et s'auto-propulse directement dans la si convoitée catégorie de films qui ont le don de m'énerver. Et encore, le mot est faible. J'ai pour habitude d'esquiver les films qui n'ont vraiment rien à m'apporter, mais il m'arrive de succomber à la tentation et d'avoir moi-même du "temps à tuer". Probablement le pire des motifs pour aller au cinéma et j'en ai honte, mais passons.
Elle l'adore ne trompe pas son monde et s'affirme dès le premier plan : c'est télévisuel. C'est terrible car on ne jouit même pas de ce court moment d'incertitude au début du film où l'on a pas tout à fait encore cerné les intentions. L'essai est transformé dès la première seconde, au premier plan donc, et évidemment continue de plus belle lors de la séquence d'introduction. Rien, il n'y a rien, aucune ambition, aucun soucis de bien faire, pas de cadre, pas de photographie, pas de décors, pas de mise en scène, pas de montage... Pas d'éléments cinématographiques, mais nous pourrons probablement y revenir.
Il est donc question de Murielle, ici interprétée par une Sandrine Kiberlain absente, stéréotype de la mère célibataire groupie d'un chanteur quelconque. Soit. Mais voilà, on s'arrête là. On ne développe pas Murielle, on la laisse sombrer dès l'introduction dans l'indifférence d'un spectateur tout au mieux accablé, au pire déjà assoupi. L'emphase avec le personnage principal étant dûment ignorée, le point de vue est d'ores et déjà changé et s'oriente vers Vincent Lacroix, le fameux chanteur, campé par Laurent Lafitte. Très rapidement, on se rend compte qu'en fait le film ne sait aucunement où il veut se diriger, où il veut emmener son spectateur, résolument perdu dans des intentions absentes et points de vue aberrants. A ce sujet-là, on suivra même plus tard les pérégrinations relationnelles du camp des policiers, histoire de confirmer le hors-sujet.
Le scénario est brouillon et sans intérêt car la réalisatrice n'affirme pas l'identité de son film. Où est-ce qu'elle nous emmène ? Nul ne le sait. On surfe sur des tentatives de comédie noire aux allures dramatiques et thrilleresques sans que rien ne fasse mouche. On se perd dans des séquences dont on ne comprend pas l'intégration dans le récit (je cherche encore l'intérêt de savoir que l'héroïne a des baskets roses, à tel point que cela mérite une réplique et un plan), tout en se posant des questions sur ce que le film omet de montrer (la découverte du fameux corps qui devait être caché). Le scénario semble compiler des séquences sans queue ni tête, dont les idées proviennent de droite et de gauche, assemblées à la va-vite au sein de cette histoire.
L'enquête rame, et ainsi de suite pendant des scènes et des scènes entières, le tout sous couvert d'une improbabilité qui semble reléguer le film au rang de la comédie bouffonne, sans toutefois que celui-ci établisse à nouveau clairement ses intentions. Au-delà du manque d'intérêt global pour l'histoire et les personnages (dont après tout, nous n'avons que faire du sort, ils ne sont pas spécialement caractérisés, ni même intéressants de base), on se questionne sur le rythme. C'est lent. Terriblement lent. Et c'est là où voir un modeste téléfilm dans Elle l'adore s'avère presque généreux, les productions télévisuelles ayant justement un minimum de sens du rythme pour maintenir éveiller la ménagère. Ici tout est terriblement lent car la réalisatrice l'a probablement voulu en ce sens, peut-être une vague tentative d'auteuriser son film avec des plans lents, chiants et moches, faits de longs silences gênants et interminables quand ils ne sont pas perturbé par une improbable musique que bien des ascenseurs n'auraient pas renié.
Passé la moitié du film je n'en pouvais déjà plus, j'avais tous les éléments nécessaires pour cerner la médiocrité de ce (trop long) métrage, ce qui quelque part me désolait encore plus. Les hors-sujet et improbabilités qui nous sortent du film s'entassent, on se demande qu'est-ce que vient faire telle séquence là ou encore pourquoi les policiers jouent si mal. Le dernier acte apparait tel une sorte de paroxysme où tout part en roue libre : le récit, les dialogues, les acteurs... Même Lafitte semble largué face à la propre bêtise d'une scène dont il est témoin. Une ultime fois on ne comprend même pas où le film nous a emmené, proposant une conclusion inintéressante sur des personnages l'étant tout autant.
Autant d'éléments qui vont évidemment me mettre en colère, mais qui sont rendus encore plus insupportables par l'absence d'ambition du film dans le fond et dans la forme. Partout. L'histoire peut se prêter à des pérégrinations drôles ou intelligemment conçues, mais Jeanne Herry ne semble pas partager les ambitions d'Albert Dupontel, pour ne citer que lui, l'un des rares à proposer encore un peu de cinéma dans la comédie française, avec Bertrand Tavernier et quelques autres rares élus. J'en parlais plus haut, mais je suis littéralement horrifié par cette absence de volonté de créer quelque chose à la caméra, surtout qu'ici l'absence de cinématographie travaillée ne sert absolument pas le film comme cela pouvait être éventuellement le cas sur Hippocrate, histoire de rester dans l'actualité.
Rien dans à l'image ne transparait, aucun effort de remplir des cadres en scope désespérément vides, à la direction photographique aux abonnées absentes cadrant des décors inexistants tout en brisant toutes les trois minutes et sans logique la règle des 180°, histoire de nous paumer encore plus dans le non-univers du film. Évidemment s'attarder dessus c'est un peu comme tirer au lance-roquette sur une ambulance mais une fois de plus il serait temps de comprendre que la comédie (si tant est que le film en soit une, le verdict est encore incertain) est un genre à part entière du cinéma et qu'il convient de le traiter en tant que tel. Séquence par séquence, plan par plan, Elle l'adore fait presque figure de tout ce qu'il ne faut pas faire dans un film de cinéma. C'est également pour cela que je suis en colère.
Une fois de plus on se fait avoir, et ce coup-ci royalement, à tel point qu'Elle l'adore remporte (pour l'instant) la palme du pire film vu cette année. Difficile de ne pas avoir à l'esprit la sempiternelle remarque concernant le cinéma des fils et filles de tant le cahier des charges parait rempli. J'ai été interloqué par la bêtise insondable de Lucy, j'ai parfois rigolé de bon cœur devant les scènes nanardesques de Pompéï ou d'Un Amour d'hiver, j'ai même esquissé un quart de demi-sourire devant une blague des Trois frères : le retour. Le film de Jeanne Herry, lui, ne m'a rien apporté, se contentant juste de me dérober mes neurones devant tant d'ennui et me faire perdre mon temps. Temps que j'aurais pu consacrer, que sais-je, peut-être à lire le dictionnaire ou apprendre à faire du feu avec le bouquin de Trierweiler.