Le droit dans l'oeil
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Attention, cette critique contient des spoilers.
Un an après sa sanglante évasion, Nami, alias Scorpion, endure toujours mille tortures au fond d'un cachot humide et isolé.
Le directeur de la prison, qu'elle a éborgné, décide enfin de la laisser voir la lueur du jour, afin d'en faire un exemple pour les autres détenues. Mais Nami parvient à blesser de nouveau le directeur au visage, et une nouvelle révolte gronde, permettant à sept prisonnières de s'enfuir. Nami étant l'une des évadées, son ennemi juré va tout faire pour les retrouver.
Réalisée la même année que la Femme Scorpion, cette suite peut se targuer d'être supérieure au film précédent.
Toujours très éloignée de la gouailleuse héroïne de manga dont elle est adaptée, Sasori irradie littéralement l'écran.
Prenant une aura mystique dans des séquences aussi poétiques par leur jeu de couleurs (la mort de la vieille dame, la présentation des sept évadées, la chute d'eau rouge de sang) que surréalistes, Scorpion éclipse les autres personnages par une présence physique hors du commun.
Muette (elle ne souffle que deux phrases en fin de film, à un moment clé, la transformant en bourreau de ses anciennes camarades), voire monolithique, Meiko Kaji éblouit par un jeu de regard saisissant, évoquant Charles Bronson dans Il était une Fois dans l'Ouest.
Cette comparaison n'a d'ailleurs rien d'anecdotique puisqu'Elle s'appelait Scorpion délaisse volontiers le film de prison pour s'orienter rapidement vers ce que l'on peut qualifier de western sushi.
En effet, entre ses paysages désertiques sentant le souffre (cf le village minier abandonné), une bande originale à la Ennio Morricone (bien qu'entrelacée de sublimes mélodies interprétées par Meiko Kaji elle-même), et les vêtements des prisonnières (évoquant les ponchos de Clint Eastwood), on respire clairement l'air des oeuvres de Sergio Leone, auquel Ito rend un hommage aussi appuyé que malin.
La force de ce film réside aussi dans le fait qu'il ne délaisse pas non plus le patrimoine cinématographique nippon (il y a du Onibaba dans les séquences dans le village désert), tout en se voulant avant-gardiste, en se montrant par exemple plus accessible aux spectateurs étrangers.
Elle s'appelait Scorpion flirte aussi avec l'univers religieux. Les sept prisonnières peuvent s'apparenter aux Sept Pêchés Capitaux, tandis que Sasori (qui réprésente à n'en pas douter la Colère à l'état pur) fait souvent office de martyre, avant de punir ses bourreaux avec brutalité (l'un de ses violeurs sera castré de virulente manière durant l'évasion).
Tel le Christ en personne, Sasori semble être née pour endurer les pires souffrances. Guidant rarement les autres évadées, elle semble surtout les effrayer et les agacer, à l'instar de celle qui tua ses deux enfants (dont l'un encore dans son ventre), et dont le duel avec Sasori vaut le coup d'oeil.
La vue est le sens majeur de ce film : le spectateur y joue les voyeurs sadiques, Ito ne masquant aucun massacre ou torture (le sang y est plus présent que dans le premier volet). Et c'est dans le regard noir, désespéré et froid de Scorpion qu'on y lit le mieux la tristesse et la mélancolie de ses femmes victimes de la société, que le système se contente d'effacer de la mémoire collective.
Une fois de plus, le réalisateur dénonce avec force la politique répressive de son pays. L'épilogue, qui s'achève à nouveau sur la vengeance finale de Sasori contre son éternel oppresseur (le gouvernement, mais aussi l'homme), n'est pas sans rappeler la fuite du cow-boy solitaire.
Série B engagée et féministe (dans le bon sens du terme), Elle s'appelait Scorpion offrait ses lettres de noblesse à une saga phare au Japon, qui se détachait des vulgaires films de prison pour femmes habituels, en grande partie grâce à la prestation remarquable de Meiko Kaji. Le couple Kaji-Ito se retrouvera une dernière fois un an plus tard, pour le dernier opus d'une trilogie unique en son genre.
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Créée
le 4 avr. 2020
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