La Drogue c’est mal, m’voyez ! Ça peut amener à faire n’importe quoi pour s’en procurer comme se mettre à ramper à quatre patte sur le carrelage d’un glory hole qui pue l’urine de clochard syphilitique. Il y a clairement de cet esprit satirique et vulgaire dans Elmer le Remue-méninge où le fantastique s’inscrit dans le New-York interlope, un peu comme dans Street Trash, des films qui constitue le renouveau du cinéma gore et grotesque si cher à Herschell Gordon Lewis. Frank Henenlotter fait partie de cette génération de cinéaste à s’être nourri de la misère sociale ambiante pour dresser le portrait trash et dystopique d’une ville en état de déliquescence. Les bas-fonds sont ainsi devenu le terrain de jeu fertile des fantasmes les plus déviants. Cet univers à la fois sombre et déluré émerge à visage découvert, un peu comme les rats et cafards grouillant dans les recoins sombre des immeubles insalubre. Peu importe leur condition, les personnages ne sont jamais à l’abri de faire de mauvaises rencontres et il n’est pas si surprenant de voir des habitants s’entre-tuer dans la rue, de voir des mutants sortir des égouts, ou bien des sans abris se mettre à fondre sous l’effet d’un alcool frelaté. La vie n’y a que peu de valeur, la municipalité de l’époque y accorde d’ailleurs peu d’importance en préférant les parquer dans les banlieues et des hôtels miteux. Les prostituées, dealers, junkies et criminelles de tout bord s’y côtoient, s’exploitent mutuellement formant ainsi tout la lie de l’humanité dont se repaît les prédateurs comme ce Elmer, sorte de Monsieur Hankey charmant au sourire carnassier.
Tous les films du réalisateur possède cette thématique commune à la body horror. La déformation des corps par mutation génétique sont des déclencheurs-révélateurs des pulsions et névroses refoulés de ses personnages. Mais dans le fond, rien ne semble plus monstrueux que leur environnement poisseux et délétère qui leur permettre de croître et d’y trouver leur garde manger comme le frangin siamois de Basket Case ou le docteur dealer de Frankenhooker qui fait exploser les prostitués en morceaux pour en récupérer les organes et la peau qu’ils greffent au corps de sa défunte femme pour la ramener à la vie. Dans Elmer le Remue-Méninge, il y est question d’une métaphore sur les dangers et ravages de la drogue délivré par un ver extra-terrestre anthropophage, croisement entre un Jimini Cricket (Pinocchio) et Kaa (Le Livre de la Jungle) ou bien entre un phallus et un gros colombin qu’avalera d’ailleurs une nymphomane à gorge déployé. Bref, un adolescent désoeuvré tombe sous l’emprise de son nouveau compagnon qui le pique de son dard acéré pour lui injecter une substance euphorisante et hallucinogène allant jusqu’à altérer sa perception de la réalité tout en le privant peu à peu de son humanité. Dès lors, l’ado passe ses journées à s’enfermer à double tour dans la salle de bain, non pas pour se masturber mais bien pour planer. Mais il y a néanmoins un prix à payer, et une fois le doigt pris dans l’engrenage, Brian ne pourra plus reculer.
Le deal est alors convenu ainsi : des cervelles à dévorer contre un peu de magic blue. Brian se met alors à en quête de nouvelles victimes à lobotomiser dans la rue, l’occasion pour Frank Henenlotter de se replonger dans son univers de prédilection parfois reconstitués en studio et d’ailleurs cadré par un certain Jim Muro. Evidemment, les choses vont dégénérer, le manque lié au sevrage se fera de plus en plus violent tandis que sa vie comme son entourage vont rapidement se déliter autour de lui. Au delà du vampirisme de leur rapport et de son addiction, on peut également soulever un érotisme homosexuel sous-jacent digne d’un David DeCoteau, puisque Brian délaisse volontairement sa petite amie au profit de ce python gouailleur et chantant dont il éprouve une forme de fascination ambigu et un goût immodéré pour le liquide séminal bleutée. Le film n’aura coûté que 600 000 $ à produire et aura mis pas mal de temps à se concrétiser, puisque 6 ans d’écart le sépare de son tout premier essai. L’échec critique de l’époque est néanmoins à relativiser tant l’oeuvre aura sût tirer son épingle du jeu dans les étales des vidéos club, et pour cause puisqu’il avait tout pour plaire aux bisseux dans notre genre : des scènes gore et potache, une forte dose létale d’humour noire et une créature envoûtante confectionné par le regretté Benoït Lestang que l’on retrouvera derrière les maquillages et effets spéciaux de films comme Le Pacte des Loups et La Cité des enfants perdus, avant qu’il ne tire son ultime révérence avec Martyrs de Pascal Laugier, probablement après avoir découvert ce que l'au-delà lui réservait.
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