Si ce poème filmique demeure tout à fait représentatif du cinéma de Jean-Luc Godard il risque de laisser bon nombre de spectateurs sur la touche : hermétique et plutôt farouche en termes d'apprivoisement Éloge de l'amour reste sans nuls doutes un film qui se mérite, difficile mais suffisamment complexe pour intriguer, intéresser voire passionner in fine.
Le film rend compte avec évidence du l'exigence du cinéma godardien. Après une première partie essentiellement en Noir et Blanc, qui sublime les rues et autres lieux publics parisiens ( on songe énormément au cinéma-bohème de Philippe Garrel, avec une atmosphère intimiste et intemporelle dans le même mouvement ) Godard dynamite sa narration à renforts d'analepses : des couleurs saturées, magnifiques, transforment alors cette fable en une composition picturale fortement bienvenue après la sécheresse de la première heure. On perçoit d'un bout à l'autre la figure récurrente de l'intellectuel transi ( Bruno Putzulu, pathétique mais presque...) qui semble s'interroger sur l'existence à l'âge adulte.
Comme souvent chez Godard il y a de vrais éclats de cinéma et de belles choses à entendre. Peu avenant dans sa portée Éloge de l'amour reste un film ardu et pratiquement indéchiffrable à travers ses ( nombreux ) sens cachés. Son défaut serait peut-être celui de partir dans trop de directions différentes en un seul et même morceau de cinéma : mise en abîme, conflits générationnels, éternelle question du regard cinématographique... Pas mal du tout, même si je continue à lui préférer les plus récents Film Socialisme et Adieu au langage.