Rêves brisés par une Amérique en perdition

Après des mois d'attente, j'ai enfin pu voir le nouveau film de Baz Luhrmann au cinéma. J'étais confiant en ce projet depuis le début, avec toute la symbolique et le mythe qui englobent la carrière de Elvis Presley il y avait clairement de quoi faire un bon biopic sortant de l'ordinaire, surtout quand on connaît le style de Luhrmann, qui reste plutôt particulier. On pouvait être effrayer par la possible forme "banale" qu'aurait pu avoir ce film, il est vrai que malgré leurs qualités indéniables, des films comme Walk The Line de James Mangold par exemple, gardent ce côté classique qui nous fait dire qu'un biopic ne peut rien proposer de plus. Du coup est-ce que Elvis parvient a passer outre ce défaut commun à ce genre de productions ? Et bien oui ! Et avec une grande ingéniosité de la part de Luhrmann de plus, Elvis ce n'est pas qu'un film sur la vie d'Elvis Presley, c'est un film sur le l'échec des rêves (peut-être même sur l'échec du rêve Américain), sur cette Amérique qui n'évolue pas, sur un symbole qui continue de faire rêver des millions de personnes encore aujourd'hui.


La star principale du film est son réalisateur, la mise en scène de Luhrmann n'a jamais été aussi magnifique, il filme Elvis presque comme un dieu, comme un symbole représentant l'espoir d'un peuple (ici la communauté afro-américaine) ou comme une opportunité de se faire un maximum de bénéfices dans le cas du Colonel Parker. Les scènes de concert sont d'une grande beauté et la bonne idée de jouer sur la perversion du public sur le fameux déhanché du King permet déjà d'exprimer les thématiques abordées dans le film. L'autre excellente idée est d'avoir fait en sorte que l'histoire soit racontée non du point de vue d'Elvis lui même, ni même de celui de sa femme, mais de celui du Colonel Parker, ce qui a permis a Luhrmann de glisser de la mélancolie et de l'ironie dans son texte, ce qui donne une forme plutôt originale à la narration. Je suis aussi particulièrement fan de la façon dont Luhrmann a gérer le rythme de son film, il ne s'attarde pas, il ne va pas trop vite, il réussi à garder son film intéressant même dans la dernière partie, qui forcément possède un rythme moins soutenu (surtout au vu de ce qu'elle aborde), un film de presque 3h qui parvient à garder l'attention du spectateur, pari réussi.


Le casting mérite tout autant des louanges, ici Austin Butler ne joue pas Elvis Presley, il EST Elvis Presley, son charisme ébloui l'écran de sa première à sa dernière scène, la ressemblance est frappante, un futur grand acteur (qui sera d'ailleurs a retrouver dans la 2ème partie du Dune de Denis Villeneuve dans le rôle du neveu de l'Empereur). Mais si Butler tue l'écran, que dire de la performance de Tom Hanks dans ce qui est son rôle le plus détestable mais aussi un des meilleurs de sa carrière, c'est simple en voyant le film je rêvais de voir le Colonel enfin se faire remettre à sa place, à 65 ans Hanks prouve encore une fois qu'il peut sortir des performances marquantes dans d'autres registres que ceux dont il a l'habitude de s'appuyer (c'est à dire le "gentil" au grand cœur), même si il l'a déjà montré par le passé dans le Road to Perdition de Sam Mendes ou même dans le Ladykillers des frères Cohen. En revanche le reste du casting ne parvient à aucun moment à vraiment être marquant, on peut tout de même saluer la performance de Olivia DeJongue dans le rôle de Priscilla Presley , ses scènes avec Butler sont d'une grande tendresse et l'alchimie entre les deux fonctionne très bien.


Mais le plus grandi défi pour Luhrmann été surtout de savoir raconter l'histoire du King de la manière la plus satisfaisante et surtout la plus intéressante. En prenant le point de vue du Colonel Parker, soit littéralement le "méchant" de l'histoire, il prend un risque mais montre dès le départ qu'elles sont ses intentions avec ce film: il ne veut pas juste raconter la vie d'une célébrité, il veut raconter le chemin parcouru par une Légende, ce qui l'a amenée jusqu'aux sommets mais également ce qui a causer sa chute, il veut dresser le portrait d'une Amérique encore en pleine ségrégation, qui refuse d'évoluer et qui reste coller au passé. Et tout ce portrait est parfaitement représenté par le Colonel, un vieil homme sénile, raciste, sexiste, xénophobe, qui ne voit en Elvis qu'un moyen de se remplir les poches, pour lui ce n'est pas un homme fragile ayant de grand rêves, mais une marionnette qu'il déplace de scènes en scènes sans aucune compassion, on peut notamment le voir dans la scène où Elvis est totalement effondré suite au décès de sa mère et surtout dans la scène où ce dernier s'effondre de fatigue et que le Colonel exige malgré tout qu'il monte sur scène. Elvis Presley rêvait grand, il voulait combattre l'injustice, faire des tournées à l'étranger, vivre une vie de famille convenable, mais il n'en sera rien, il est prisonnier, prisonnier de cette Amérique briseuse de rêves, qui va à l'encontre du rêve Américain. Et Luhrmann a voulu représenter cette hypocrisie jusqu'à la dernière scène, celle où Elvis Presley (cette fois le vrai, ce sont les véritables images de la dernière performance Live du King qui sont montrées) effectue sa dernière apparition public, où nous pouvons une nouvelle fois entendre la voix-off du Colonel culpabiliser le public par rapport à la déchéance de la star, qui dit "Ce n'est pas moi qui l'ai tué, mais son amour pour vous".


Elvis est donc beaucoup plus qu'un biopic, c'est un film réalisé par un amoureux de la musique, par un fan et surtout par quelqu'un ayant également des rêves, il nous fait rêver nous aussi en faisant revivre le temps de 3 heures une Légende qui ne sera jamais oubliée, et qui continue de faire vibrer et danser les gens à travers le monde. Allez le voir !

CatchOnline
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le 22 juin 2022

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