C’est bien la première fois que le style de Baz Luhrman me comble au plus haut point. Alors que son Romeo + Juliet m’horripile et que Gatsby Le Magnifique sonne comme un film « okay sans plus » en moi, enfin, en Elvis, je lui trouve des allures de grand metteur en scène et conteur.
Elvis est un merveilleux biopic sur l’icône musicale qui a dominé vingt ans de musiques rock mais aussi et surtout, c’est un film sur la métamorphose de l’Amérique des années 50 aux années 70. De la même manière que le faisait la brillante série Mad Men, avant d’être un film sur un personnage, Elvis est un film sur un pays, sur son histoire politique et sociale. Le tout, avec du rock mesdames et messieurs.
Pour la première fois, le style Luhrman colle parfaitement au portrait qu’il dévoile. Parce qu’enfin, son imagerie est au service d’une icône qui a changé la face de la musique et d’un pays. Enfin, le sujet est à la hauteur et digne d’être porté par la mise en scène grandiloquente et parfois tape à l’œil de Luhrman. Avec Elvis, le réalisateur peut enfin parler de sujets qui lui parlent (et me parlent aussi) : comment Elvis Presley a réuni blancs et noirs autour d’une même musique en mixant country mélodique (mais mou du genoux) et rythm and blues dansant et percussif. Ce double héritage d’un artiste tiraillé entre deux cultures et qui, de par son irrévérence et sa sexualité, va faire en sorte que l’Amérique se sorte un peu les doigts du cul avec son puritanisme à deux balles.
Alors oui, on va aussi parler de la carrière d’Elvis Presley. De sa relation tumultueuse avec le Colonel Tom Parker (qui fait presque ici figure de personnage principal et interprété par un Tom Hanks inspiré), de son ascension à sa déchéance avec tous les ingrédients propres au biopic musical. Mais là où Bohemian Rhapsody ne justifiait la grandeur de Freddie Mercury que par sa musique et des lignes de dialogues du style « Freddie, t’es vraiment une légende », Luhrman ne tombe jamais dans cet écueil. Si Elvis est grand, ce n’est pas que grâce à sa musique mais bien parce qu’il a joué un rôle déterminant dans l’industrie musicale et dans l’évolution socio-politique des États-Unis. C’est une histoire de grandeur et de désillusion, d’une amitié entre un artiste et son impresario qui vire petit à petit à une entourloupe qui enfermera Presley dans une cage doré à Las Vegas. Elvis est autant pensé comme un portrait vibrant d’un artiste, d’un pays, mais aussi comme une machine infernale où l’avarice de Parker entraîne la déchéance inéluctable de son artiste tout en forgeant sa légende.
C’est fort, monstrueusement bien mis en scène, les excès de Luhrman en matière d’imagerie collent parfaitement au style de vie plein de folies du King. Bref, un grand film dont les 2h40 passent comme une lettre à la poste.