Cette situation est créée ici pour rappeler l'immigration visant les pays développés pour bénéficier
de soins médicaux. C'est bien là qu'est le caractère social du nouvel effort de Neill Blomkamp. C'est un terrain tout à fait propice à un grand film de SF, mais la façon dont le traite Neill est tout simplement... ultra caricaturale. C'est un côté de District 9 qu'on a souvent éludé, mais le méchant militaire était le seul gros cliché de l'histoire. Le reste donc pouvait passer, et l'action transcendait le tout. Ici, l'univers que filme Neill est encore plus beau que sur District 9, le résultat est une merveille d'un point de vue technique (c'est en grande partie ce qui fait remonter sa note). Mais les personnages stéréotypés se comptent par dizaines. Jodie Foster, qu'on nous annonce comme une dame de fer impliable qui n'hésite pas à ouvrir le feu sur des vaisseaux clandestins qui foncent sur eux en violant leur territoire aérien, est la stéréotype du méchant très méchant dans le genre je veux organiser un coup d'état à moi toute seule (au passage, sa sortie de scène est une insulte à la carrure de son personnage). Elle l'organise avec un gros richard travaillant sur terre, qui semble être le clone des riches de Yamakasis (il dit aux gens qui l'entourent de ne pas lui respirer dessus, il écoute de la musique classique, il méprise la condition humaine... et allez !). Il est donc chargé de rédiger un programme pour relancer le système informatique d'Elysium (qui contrôle tous les robots policiers sur la station et sur Terre) et mettre la ministre Rhodes à la tête du pouvoir. Mais voilà, entre temps, Max (Matt Damon) a son accident de travail (dans la même entreprise que celle de Total Recall 2012) et est condamné à mourir. Ne voulant pas crever, avec son lourd passé de
criminel, il se rend chez le maffieux du coin qui se trouve être une sorte de résistant parce qu'il prépare les voyages clandestins vers Elysium moyennant finance. Le passeur fait dans le grand banditisme également, et monte Max sur le coup d'un vol de données cérébrales sur un gros riche, en l'occurrence son ancien patron. Pas de problème, un petit exo squelette en refort pour donner à Matt un peu de punch, et ça repart. Seulement, une fois arrêté, le cerveau du richard contient le programme de relance des ordinateurs d'Elysium. Et là, on vire sur Johnny Mnemonic. Sérieusement. Alors que Matt essaye de trouver quelqu'un pour extraire les données, un barbu se met à le traquer avec quelques mercenaires pour le compte de la ministre. Et le barbu est d'ailleurs
interprété par l'ancien héros de District 9 : Sharlto Copley. Délivrant une performance à l'opposé de son ancien rôle, il insulte, cabotine, se donne des airs méchants pendant qu'il envoie des gifles à la copine de Max sous les yeux de sa fille. Il a envie d'être menaçant sans vraiment parvenir à la carrure qu'il recherche. De toute façon, il est complètement insignifiant au niveau politique, et pourtant, il squatte continuellement le film, prenant même une importance déterminante dans la dernière partie qui mise sur les affrontements à coups d'exo squelette plutôt que sur une conclusion sociale "impartiale". Car après que nos héros aient subis les vexations de ces richards du futur, disons le, de droite dans leur politique d'immigration), ils font péter le système, donnent la
citoyenneté d'Elysium à tous les terriens et font descendre des tas de machines curatives pour soigner tout le monde gratis. C'est-y pas beau ? Quand on a une technologie de médecine qui ne coûte rien et une prise (et accessible, car tous les riches en ont un dans leur maison), on se demande pourquoi Elysium n'en a pas fourni quelques unes sur terre... Oh, mais parce qu'ils sont de droite et sans coeur... L'immigration médicale, c'est donc oui, et massivement ! Et si les Elysiens sont trop lâches pour laisser entrer les immigrés chez eux, ils n'ont qu'à leur envoyer des médocs gratis... Mais tout ceci est malhonnête, la moitié des vrais problèmes sont avortés pour ne laisser que le schéma caricatural d'une droite radine en face d'une planète de nécessiteux qui
veulent tous grimper sur la Cipango du futur... Combien coûte cette technologie médicale ? Comment fonctionne-t-elle ? Comment se fait-il qu'à leur arrivée, ces ressources fondamentales ne soient pas immédiatement spoliées par les gangs locaux (vu que les héros sont un gang ça me semblerait logique... ah, mais ce sont des robins des bois, pardon...) ? Et pourquoi la Terre entière continue de se soumettre à la dictature d'Elysium alors qui suffirait d'abattre les quelques vaisseaux qui font la navette et de couper simplement les liaisons radios ? Ah, ben non, dommage, on ne parle pas de ça. En revanche, pour montrer un mercenaire au service des riches qui tase une
réfugiée qui lui demande de l'aide (voir sa mine déconfite pendant le tasage, genre elle ne s'y attendait pas, ils n'ont donc vraiment pas de coeur, ces richards), y a du monde... Grosse ratée idéologique, mais aux décors très convaincants, cet Elysium déçoit lourdement, au point de faire douter de la capacité de Blomkamp à faire désormais de la SF subtile qui cerne complètement les enjeux sans donner dans la partialité (mais sans pour autant nier les sentiments de ses protagonistes). Ici, il y a bien des sentiments, mais leur utilisation cherche légèrement à leurrer le public sans prendre la distance nécessaire sur de gros points idéologiques sensibles. On peut faire de la SF de gauche sans pour autant caricaturer ses adversaires à ce point et surtout répondre à un problème sans verser dans l'utopie... Enfin bon, vous êtes prévenus...
Voracinéphile
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le 25 sept. 2013

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