Ema
6.7
Ema

Film de Pablo Larraín (2019)

Pablo Larraín (Jackie) filme une lente décomposition familiale pour mieux faire éclore sa recomposition. Et c’est probablement ce mouvement de re-création d’une cellule familiale nouvelle qui est dans le viseur de toutes ces images et séquences qui se nourrissent de la liberté de la danse, des corps et des relations.


L’histoire d’Ema (Mariana Di Girólamo) suit une mère dont l’enfant a été confié à une autre famille, faute d’avoir prévenu avec son mari (Gael García Bernal) la survenance d’un drame très vite révélé au début du film et qui a impliqué des allumettes, des allumettes dévastatrices, à la différence de ce lance-flamme inoffensif utilisé à maintes reprises par Ema contre diverses choses inanimées.


La dynamique du film se détourne très vite de retranscrire dans le réalisme un drame social pour entraîner, dès une introduction en séquences alternées, le spectateur dans des chorégraphies qui prendront tantôt en arrière-plan un soleil de feu et de glace dans une installation artistique tantôt la ville chilienne de Valparaíso, filmée comme une sorte de San Francisco australe avec ses funiculaires, ses rues en angles aigus et ses maisons colorées. Le film penche alors vers une esthétique clipesque et nous transporte dans ses petites cartes postales de bords de mer industrialisés.


A partir de là s’enchainent ce qui apparait d’abord comme les turpitudes d’un couple en mal de s’aimer et d’avoir échoué dans leur parentalité. Sexe, jalousie, liberté, vices et vertus s’étalent devant nous de sorte qu’on doute à un moment du fait que Pablo Larraín suive une direction claire. Mais très vite la danse s’échappe des séquences où elle est filmée pour mieux perler dans le dispositif cinématographique (tout ce qui permet de créer un film), emportant la caméra elle-même et le rythme du récit. Alors, selon les sensibilités, le film se ressent dans son montage comme un essai de retranscrire l’essence d’une véritable danse au coeur de laquelle Ema attrape et entraîne en ronde ses partenaires pour mieux les faire converger les uns vers les autres sous ce feu et cette glace qu’elle représente.


Le personnage d’Anibal (le deuxième père) espérait créer une civilisation en fondant sa famille. C’est finalement Ema qui y parviendra le mieux, par des chemins de traverse et des abandons à la liberté bien souvent sur le fil tant de la morale que de la raison.


Pablo Larraín aurait pu souffler le chaud et le froid en virant dans une complaisance esthétique et une histoire vainement choc, mais c’est sans compter sur sa délicatesse à insuffler la liberté de la danse dans du cinéma. Le tout devient alors un mélange sensoriel rafraîchissant qui nous convainc à s'abandonner à des douces suspensions d'incrédulité et passer outre quelques littéralités explicatives qui achopperont le spectateur dans son abandon au film.

-Thomas-
7
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le 20 janv. 2021

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Vagabond

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