Une comédie censée être un drame
Hier soir j'ai vu "Peggy Sue s'est mariée", à la suite de quoi j'ai regardé des vidéos des meilleures (ou pires ?) performances de Nicolas Cage. Ca m'a donné envie de voir tous les films dans lesquels il a joués. Même si en fait, avec le recul, les voir tous n'est probablement pas une bonne idée. Néanmoins, il y en a que je me devais de voir absolument, dont ce "Vampire's kiss", qui a donné le fameux meme internet "you don't say !", avec Cage faisant une tête d'ahuri. Mais le reste du film semblait bourré de moments fous, et j'avais lu que Nicolas Cage y donnait sa performance la plus dingue.
Ce qui m’a surpris d’emblée, c’est cette esthétique assez soignée lors de la séquence du générique, avec tous ces plans de buildings New-Yorkais éclairés par le lever de soleil, entre l’ombre et la lumière orangée. Ca m’a évoqué Les prédateurs de Tony Scott, de même pour la musique, inquiétante, un peu 80’s. Deux éléments posant un ton sérieux, auquel je ne m’attendais pas.
J’avais aussi l’impression de retrouver le même milieu, avec ce héros yuppie, évoluant dans des intérieurs vastes et luxueux, bien qu’ici l’architecture soit plus moderne et aseptisée.
La mise en scène est marquée par des placements de caméra qui offrent des plans qui sortent de l’ordinaire, et le réalisateur, comme un réel auteur, a pensé à des détails qui n’apportent pas tellement à l’histoire mais apportent néanmoins de la vie au film, en faisant par exemple simplement jouer une scène de dispute à des mimes, devant l’immeuble du héros.
La temporalité un peu floue participe également à donner cette impression de film qui se veut être d’auteur.
Nicolas Cage, quand on le découvre, joue sérieusement. Il ne joue d’ailleurs pas trop mal le type bourré. On voit son personnage, Peter Loew, ramener une femme chez lui, tout en évoquant les 4 fantastiques ; un indice, déjà, de la passion de Cage pour les comics, qu’on découvrira plus tard en le voyant jouer dans Ghost rider ou Kick-ass ?
Malheureusement pour Peter, il se fait cockblocked par une chauve-souris qui débarque dans son appartement, effrayant ainsi la fille alors que le couple en était aux préliminaires.
Mais jusque là, rien ne laisse encore présager la folie qui va déferler sur le film par la suite.
Un autre soir, Peter se fait mordre par une vampire. Au passage, comme dans bien trop de films de vampires (à l’instar du Dracula avec Bela Lugosi), les trous laissés par la morsure sont alignés de façon parallèle au sol, et non dans le sens de la longueur du cou, ce qui n’a aucun sens. Fin de la parenthèse.
C’est à la suite de cet évènement que les situations comiques arrivent, la douleur provoquée par la morsure revenant subitement pour rendre violent le personnage de Peter, qui sombre aussi progressivement dans la folie.
Le spectateur s’attendant à voir une comédie pure et simple doit patienter un bon moment avant d’avoir de quoi rire, au moins une trentaine de minutes, mais les pétages de plombs de Nicolas Cage valent le coup d’être vus. Par son jeu excessif, l’acteur rend drôle des choses qui auraient pu sembler plates dans le script ; il parvient notamment à rendre hilarant… la récitation de l’alphabet.
La scène qui a donné le fameux "you don’t say" est encore plus drôle que le meme lui-même. Cage ne dit rien de si amusant que ça, mais rien que l’expression ahurissante sur son visage est à hurler de rire. Je crois sincèrement que, pour rendre cette scène possible, un esprit maléfique a pris possession du visage de Nicolas Cage.
Il y a des moments où Peter redevient plutôt normal et gentil, même avec cette employée qu’il persécute de façon sadique (et très drôle, il faut l’avouer), mais… c’est pour mieux redevenir méchant ensuite.
Un de mes rêves désormais, maintenant que j’ai vu ce film, c’est que se fasse une nouvelle adaptation de "Dr Jekyll & Mr Hyde" avec Nicolas Cage. Avec Verhoeven à la réalisation ; il ajouterait cette bonne grose dose de vice et d’ambigüité qui manquait aux anciennes adaptations cinématographiques du livre de Stevenson.
Vampire’s kiss persiste malgré tout à présenter des scènes sérieuses et graves, notamment avec cette intrigue concernant la vampire qui continue de tourmenter Peter. Mais le drame m’importait peu, étant donné que ce que j’attendais, c’était les scènes de comédie.
Par contre, je me suis rendu compte peu à peu du twist, qui lui s’avérait intéressant, ainsi qu’inattendu, car je ne me doutais pas que ce film pouvait avoir plusieurs niveaux de lecture.
Et ensuite, ça m’a frappé : et si ce film n’avait pas été fait pour être une comédie, à la base ? J’ai été de plus en plus persuadé que c’était le cas par la suite, une fois cette idée présente dans mon esprit. Vampire’s kiss ressemble à un film pensé comme une tragédie dans la veine de "Martin" de Romero, mais qui a changé en cours de route, en raison de la performance si particulière de Cage. Il serait tout à fait probable que le film ait échappé au contrôle du réalisateur, ce qui serait logique étant donné le sérieux et l’application de la mise en scène.
Pour Robert Bierman, il s’agissait là de son premier long-métrage, et étant donné que Nicolas Cage commençait déjà à cette époque à être une star, il se peut que, grâce à sa notoriété, ses intentions par rapport au film aient eu plus de poids. Ce ne serait pas la première fois qu’un acteur fait ce qu’il veut d’un film, plutôt que de suivre la vision du réalisateur. Il se pourrait simplement que, contrairement à ce qui s’est passé avec Bruce Willis sur Die hard 4 ou Cop out, cette prise de contrôle par l’acteur n’ait pas été dévoilée au public par le réalisateur (Bierman aurait compromis sa carrière alors que Kevin Smith, lui, s’en fout de dire du mal des gens dans le show-business).
Quand on pense à tout cela, la scène grotesque où Nicolas Cage supplie des passants de le tuer avec un pieu, on peut nettement imaginer la portée dramatique qu’elle aurait eue, si elle avait été jouée par un autre acteur.
Le drame vécu par le héros du film ne nous frappe alors qu’à la toute fin, quand il est trop tard. Plus que pour le personnage, j’ai compati pour ce pauvre Robert Bierman, dont la vision du film n’a certainement pas été respectée.
Vampire’s kiss est donc un film hybride assez étrange, mais que j’ai plutôt aimé, aussi bien pour ce que le réalisateur a voulu en faire que pour ce Nicolas Cage en plein délire.
PS : Il y a un restaurant nommé Mondo cane dans ce film. Cool.