Avant toute chose, précisons que je ne partage pas le délire du culte mi-second degré mi-sérieux autour de Nicolas Cage qu'entretiennent beaucoup de gens. Je l'ai souvent trouvé mauvais comme un cochon (Peggy sue s'est mariée, Benjamin Gates), sans parvenir à lui trouver la moindre excuse. Sans compter que je le voyais avant tout comme le neveu de Coppola, soit un mec pistonné qui grattait des rôles en dépit du bon sens.
Bien sûr il y a eu Sailor & Lula, Adaptation (où il est formidable), A tombeaux ouvert, Snake eyes, et une poignée de films sympas où il signait le minimum syndical . Mais j'ai trop souvent ressenti une inadéquation entre son aspect et les premiers rôles. Un peu comme si on avait confié les rôles de James Stewart à Anthony Quinn ou Lee Marvin. Cage n'est pas beau, ses traits ne sont pas réguliers, ses yeux bleus endormis sont rapprochés, l'ovale de son visage semble emprunté à un cartoon d'Hanna barbera, la calvitie qu'il tente de contrecarrer avec une nuque longue dans un maximum de films n'a jamais trompé personne etc... Vous allez me dire on s'en fout de ça s'il est bon dans le rôle, en effet. Mais le problème étant qu'il ne l'est pas toujours, un peu à la manière d'un Vincent Cassel qui a besoin d'être drivé à chaque seconde s'il veut pas voir sa prestation être détaillée sous toutes les coutures sur Nanarland. Et de fait ses prestations deviennent des matières à blagues ou de memes sur internet.
Mais dans ce Vampire's kiss, d'un certain Robert Bierman des sentiments contradictoires se mêlent. Car oui, dès le début il donne le sentiment d'en faire un poil trop. On ignore encore qu'il la joue encore sobre pour le moment. Comment appréhender ce film d'ailleurs ? Film fantastique ? Thriller psychologique-Kafkaïen ? Comédie loufoque ? (cette chauve souris quand même...). On ne saura jamais, je ne suis même pas sûr que le réalisateur ait lui-même tranché la question.
Une chose est en revanche certaine : Vampire's kiss repose à 95% sur la prestation de N. Cage. Et c'est peut-être pour cela que la couleur du film est aussi incertaine. Pas sûr qu'il ait voulu faire rire ou créer des effets comiques avec ce rôle. Il avait clairement en tête de construire son personnage en mix entre Nosferatu & le cadre supérieur new-yorkais insensible (American psycho sortira en libraires 3 ans plus tard que le film de 1988 !). Et le fait est qu'il me met terriblement mal à l'aise à plusieurs moments du film.
Des moments qui je pense déclenchent l'hilarité chez bons nombres de mes amis. La scène des gros yeux "you don't say ?!" quand il enguirlande sa secrétaire par exemple. Ce regard cinglé est devenu un gif qu'on voit partout sur le net, et il est vrai que prise isolément, sa tête est poilante. Dans le contexte de la scène c'est d'une angoisse extrême, et c'est parfait.
Peu d'acteurs auraient pu créer ce sentiment de gêne. Vous mettiez à l'époque Cruise, Depp, Gerre ou Brad Pitt ça n'aurait pas fonctionné, trop beaux, trop normaux, trop conscients et maîtres de leur image. Les stars de l'époque n'auraient jamais osé / pu faire cette tronche, à cause du ridicule offert à la planète. Pas Nicolas Cage. Il n'en avait rien à foutre. Il cherchait un truc que Jack Nicholson avait en son temps : Un grain de folie.
Il en fait tellement des caisses que tu réalises que le rôle était difficilement intenable. Je lui ai reproché pas mal de trucs plus haut, mais il prend des risques c'est certain, même quand le rôle est injouable, il y va à 1000%, on retrouve la même forme d'inconscience qui anime un Depardieu. Il a ouvert une voie à des Jake Gyllenhaal, Di Caprio ou Christian Bale, qui eux non plus ne reculent pas devant des rôles farfelus et grimaciers (peut-être se veulent-ils plus les héritiers de Jack Nicholson que de Cage cela dit).
Pour le reste, le film dispose de certaines qualités. Un ton difficile à cerner, un certain suspense est ménagé quant à ce que vit le personnage. Il y a quelque chose qui annonce le livre de Brett Easton Ellis. Ce vampire émotionnel en costard cravate qui méprise et consomme ses subalternes. Les scènes tendues avec Maria Conchita Alonso où Cage est dans un management passif agressif qui vire à l'horreur. La seconde partie du film pousse les curseurs aux max, et la discussion imaginaire entre Nicolas Cage & sa psy rappelle un peu les discussions imaginaires de Jack Torrance avec le barman dans Shinning. On est loin de Kubrick attention, mais Vampire's kiss a des qualités indéniables qui ne le font pas basculer dans le nanar malgré ce que certains peuvent penser de la performance de Nicky Cage.