Regardons de plus près les similitudes entre les deux grandes sensations horrifiques de l'année :
- Barbare de Zach Cregger. Pendant 30 minutes, c'est pas mal, les 40' suivantes baissent en gamme notamment en raison de l'irruption de cette grosse vieille dame dénudée dotée d'une force herculéenne. Et ça reste regardable, mais tu te dis juste que ça ne sera pas le film espéré à la base. Quant à la fin, elle est simplement ridicule. Vraiment un gros gâchis. Message sous-jacent, l'instinct maternel est plus fort que tout. Okay.
- X de Ty West. Hommage évident à un film culte qui se déroule au Texas dans les années 70. Une équipe de film X tourne son dernier chef-d'œuvre chez un couple de (très) vieux bouseux. Alors il ne se passe strictement RIEN pendant une heure, juste des scènes de soft porn où tu bailles beaucoup, une trempette dans un lac malfamé et c'est à peu près tout. Ce n'est pas vraiment bien joué, mais il semble que Mia Goth mériterait apparemment l'Oscar parce qu'elle a bien fait la vieille psychopathe sous une tonne de latex (et je ne parle pas de moyen prophylactique). C'est filmé sans valeur ajoutée, et c'est moins un hommage à un cinéma subversif, qu'un truc déjà vu mille fois, en moins bien. Il y a de quoi halluciner devant les dithyrambes, mais passons, je ne suis plus à un phénomène cinématographique inexpliqué près.
Mais le truc surprenant et qui en dit beaucoup sur l'époque, c'est que les figures maléfiques dans les deux films, et qui représentent donc le mal absolu, sont des couples de très vieux blancs. Les boomers rejoignent les loups-garous, les vampires et les nazis dans le Panthéon des monstres de film d'horreur.
Shyamalan avait lancé la mode avec The Visit. Relic, Abuela, don't breathe, get out... et Old people sur Netflix surfent également sur cette tendance très sécurisante pour les producteurs, car l'âgisme est la stigmatisation d'une minorité trop larguée pour ruer des brancards sur les réseaux sociaux. Ce ne sont pas les nonagénaires qui vont prendre d'assaut Twitter, pour se plaindre d'être dépeints de la pire des manières dans une œuvre ciné. Vous allez me dire qu'ils ont connu la guerre, et que c'est pas des fragiles. Vous aurez raison.
Outre le fait que ce choix purement symbolique est contestable, car dans les faits, les vieux sont évidemment les personnes les plus exposées aux violences physiques dans nos sociétés occidentales (et j'ai une pensée pour ma grand-mère). Ce retournement est assez facile, et même lâche à bien y réfléchir. Imaginer que leur présence est une forme de violence sociale via leur vote ou leur statut de rentier, qui doit logiquement se traduire en violence physique à l'écran est assez désolant, surtout que ça devient LA grande tendance. Et il est aussi peu efficace en termes de crédibilité horrifique.
Interdit au plus de 80 ans.
Dans Barbare, la vieille a une force surhumaine sans qu'on ne sache pourquoi (les consanguins sont historiquement débiles au sens physique du terme, donc wtf) et dans X, c'est presque pire puisque la vieille qui peut à peine tenir sur ses cannes bute sans le moindre problème 80% du casting à l'aide d'un couteau à beurre.
Et l'impression de ridicule est tenace dans tous les films cités. Qui a vraiment peur d'une mamie Nova de 34 kilos qui se déplace avec une couche confiance et dont les gestes ont trop de rides ? Un fantôme de vieux, ça serait différent, car c'est la donnée surnaturelle qui fout les jetons. Un peu comme avec les fantômes d'enfants ou la possession démoniaque de l'Exorciste ou de La Malédiction. Des entités par définition faibles physiquement qui deviennent terrifiantes en revenant du trépas ou grace à des forces maléfiques. Devant ces films actuels, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il suffirait de les priver de potage pour mettre fin à la tuerie.
Jason, Freddy, Leather Face, Sadako, Jean d'Ormesson, Asami, Candyman, Hannibal Lecter. Honnêtement, qui est l'intrus dans cette liste ? Il est louable de démocratiser les monstres sanglants et de tenter de faire peur avec autre chose que les schémas habituels, mais en l'occurrence, ce n'est pas si original que cela puisque les films d'horreur avec des vieux fous à la manœuvre sont nombreux si on regarde bien (Norman Bates commet ses crimes sous l'apparence d'une vieille dame, mais il a la force d'un homme de 25 ans, toute la différence est là) et les vieux sèment habituellement la mort à l'aide de moyens détournés (poison, ruse, etc...) mais pas avec leur force physique ! Ce choix très dans l'air du temps est assez peu crédible et déjà plus original du tout.
Je passe rapidement sur le message sous-jacent de X, à savoir la question de la sexualité du 3e âge et plus particulièrement de la frustration sexuelle, le moteur de Pearl (la vieille). Pourquoi pas, ok, mais le message est assez lourd. Les nombreux plans sur la télé et le prêche du révérend intolérant servent surtout au "twist" final.
X se veut subversif, mais il ne l'est pas vraiment tant que cela, il vise les cibles habituelles du cinéma de genre depuis 40 ans : la religion qui bride la sexualité, la pensée arriérée des bleds US et par conséquent la toxicité des générations d'avant qui ne veulent pas lâcher la rampe. On peut se taper sur le torse et se réjouir d'ainsi voir le patriarcat dynamité avec autant de panache, mais n'y croyez pas trop quand même hein.
Et surtout n'oubliez pas la fête des grand-mères, c'est en mars.