Ti West a offert a X un destin bien plus grand que celui de se fondre dans la ruralité crasse de Tobe Hooper. Il n'aura échappé à personne le cousinage texan du premier volet de la trilogie avec l'une des pointures du cinéma US des seventies Massacre à la tronçonneuse mais aussi - dans une moindre mesure - l'officieux parrainage spirituel du Crocodile de la mort, "produit exploitatif" mené de folie furieuse par le jeu du vétéran Neville Brand. A cette heure-ci, MaXXXine, troisième segment embrase les fantasmes de cinéphiles dans une double bande annonce aux effluves de Body Double et de cuir ganté tout droit sorti d'un Argento en plein golden age. Une chasse aux trésors nostalgico-cinephilique que Pearl à l'extrême gauche de la frise temporelle (il s'agit d'un prequel) exploite également à fortes doses de Technicolor, de Douglas Sirk et de Norman Bates en robe de coton. L'exercice pourrait mettre sous cloche ses glorieuses références mais les rapports singuliers entre chaque segment de la trilogie permettent de reconsidérer l'oeuvre introductive. Dans X, le face à face entre Maxine et Pearl ne peut plus être appréhendé de la même manière après visionnage du second segment. Le personnage de Pearl se reconnaît en Maxine (Mia Goth face à Mia Goth) et cette industrie du divertissement qui l'a rejetée et contrainte à conserver son statut de citoyenne lambda privée de Strass et de paillettes. Son regard sur l'actrice pornographique, teinté d'empathie et de compréhension, contribue à ramener un peu d'humanité dans son personnage. On y devine ses pensées: "Peu importe que le coït soit immortalisé sur pellicule du moment qu'il mène à la célébrité". Pearl et Maxine, leur ego tellement enflé qu'il en piétine l'art de ses multiples bassesses et de leurs ambitions démesurées donnent une idée de l'homme et de son espèce en pleine dégénérescence. En bout de course, les deux parvenues se doivent ou se devaient d'embrasser la gloire. De ces deux générations, l'une rurale, l'autre citadine, il y est fortement question d'atavisme sinon comment expliquer les ressemblances physiques et l'attrait au monde du spectacle. Existe-t-il alors un lien de parenté entre Max et Pearl ? Dès lors, on peut imaginer un futur métrage dont le rejeton de Maxine baignerait dans les réseaux sociaux pour une future accession au trône. La gloire -le pouvoir et l'argent- l'autre facette culturelle de la politique et l'emprise qu'elle peut exercer sur un peuple estimé médiocre par "les deux artistes" et dont elles aimeraient s'extraire pour enfin tutoyer les étoiles.
Woodstock imprègne toute la culture des seventies et la panoplie du beatnik acide- plaid à carreaux-pattes d'eph' dont s'affuble cette jeunesse désireuse de bouleverser les règles va, ici-même, trouver ses limites. La note d'intention du Texan Tobe Hooper est plus à même de répondre à un tremblement de terre politique identifié par la guerre du Vietnam. Une réactivité face à la violence du conflit retranscrite avec la crudité d'un réalisme authentique dont les américains consomment désormais l'image documentaire à la télévision. Les actions bouchères de Leatherface, dépourvues d'un sens cinématographique commun voire de dispositifs artistiques (absence d'un accompagnement musical et de valeurs de plans significatifs) se lisent sans le filtre apposé d'ordinaire par le Septième Art. Aucune emprise sur les codes, le spectateur s'abandonne à l'horreur et à la punition infligées par les ruraux sur la civilisation moderne dotée de nouvelles valeurs générationnelles. Au mini-short, à la pâquerette dans les cheveux et au sexe libre, la famille de tête de cuir répond par le cannibalisme joyeux. Ce péché d'orgueil du progrès de la petite troupe de beatniks vu sous l'angle social et culturel, X se le réapproprie aidé de la prise de hauteur, de la réflexion et de la superposition de notre époque contemporaine peu avare en condescendance à travers le courant d'idées politiques actuel qu'une minorité bruyante assène au "peuple béotien" doté de vieux cons. Ainsi la petite troupe menée par Wayne Gilroy, producteur opportuniste et petit ami de Maxine va subir à son tour une punition infligée jusque dans ses chairs par un couple de vieux texans dont le besoin de sexe est une chose entendue. Si Massacre à la tronçonneuse applique une violence cathartique suite au choc générationnel, X ramène les baby-boomers pécheurs et toxiques au stade de la non existence comme rayés de la population. Car le péché culturel de cette production pornographique amateur est celui d'avoir instauré la dépravation au sein d'un environnement campagnard. Non seulement les citadins salissent la nature de stupre mais ils profitent de la prétendue naïveté d'un couple de fermiers seniors pour copuler dans leur cabane louée au préalable. Le progrès technique (une caméra portative 8mm) et le progrès social (le sexe libre) demeure une double avancée et à cela les vieux n'y comprennent rien. On baise à plusieurs sans implication émotionnelle et on peut même l'imprimer sur support et le partager en une partouze visuelle sur écran. Investir les espaces verts, les cultures et en tirer un cadre bucolique pour satisfaire des besoins sexuels tend à retrouver un peu plus sa part animale et par répercussions tendre un miroir aux ruraux et à cette partie sauvage et brut de décoffrage qui les animent. Titré "Les filles du fermier" le film amateur ne s'embarrasse pas de priver ses futurs spectateurs du cliché du bouseux en rase campagne, la salopette au bas des chevilles. Car au fond X s'appuie sur la rusticité du milieu pour en augmenter le désir. Il y a quelque chose de sale dans la boue et la paille. L'idée du porc lubrique n'est pas loin. Manque de bol, nos fermiers, Howard et Pearl ont déjà un lourd passif dans l'exploitation maso et le retour de bâton risque d'être mortel.
À ce petit jeu de massacre du jeunot, le slasher reprend ses droits: Celui d'étriper allègrement son prochain et de prolonger le discours réactionnaire sur les changements de valeurs. Tant que les générations changeront et proposeront une nouvelle image de la société, il n'y a aucune raison pour que le cinéma d'horreur disparaisse. Merci à elles.
analyse complète de MaXXXine : https://www.senscritique.com/film/maxxxine/critique/275875930