Emily Dickinson - A Quiet Passion par Christine Deschamps

Les choix radicaux d'Emily Dickinson imposaient évidemment un traitement cinématographique adapté. Sauf qu'ils ne sont pas forcément propices à une narration par l'image. Ce qu'on supporte volontiers dans un roman ou apprécie dans la poésie, ces sentiments extrêmes et lancinants qui mettent une éternité à avoir conscience d'eux-mêmes, n'est pas à proprement parler une matière cinématographique idéale. Voilà une héroïne emmurée dans sa souffrance, recluse dans sa chambre, passionnément attachée à sa famille mutique, entêtée dans ses comportements revêches, profonde à en devenir insondable, qui ne décrypte le monde qu'à travers une poésie exigeante et souvent aussi lugubre que lumineuse... vraiment pas de quoi habiter pleinement une narration en mouvement. L'expérience était donc intéressante. Et le film a quelques jolies fulgurances et propose des analogies symboliques fécondes. Mais ça s'arrête là, et globalement, il faut s'accrocher pour conserver un peu d'attention pour les menus événements qui se déroulent au ralenti sous nos yeux. Il en ressort malgré tout une illustration parfaite de l'étouffement que suppose une certaine austérité religieuse. Ces protestants confis de dolorisme ont eu de la chance d'arriver malgré tout à perpétuer l'espèce, tant leurs rapports étaient corsetés et mortifères. La condition des femmes était à peine enviable en comparaison de celle des captives de Boko Haram, à vrai dire. Ces temps de barbarie ne cesseront que lorsque l'oppression de genre aura définitivement cessé. J'aimerais penser qu'on tient le bon bout.