Qu’Audrey Diwan propose une Emmanuelle cinquante ans plus tard était déjà une gageure tant le film original avait suscité à la fois le trouble et l’indignation. Pourtant, la réalisatrice, véritablement concernée par la condition féminine, ne pouvait tomber dans la facilité abjecte de la desservir. Pour commencer l’Emmanuelle d’Audrey Diwan est une femme qui travaille ( et non plus la femme d’un homme qui l’entretient), est très consciente d’une sexualité qu’elle veut choisir ( en n’évitant pas les surprises de ses ressentis) tout en voulant explorer son rapport au désir la parcourant. Noémie Merlant, dont on connaît l’attraction pour les rôles plutôt extrêmes, parvient à très bien montrer dans son personnage ce conflit entre le corps qui s’exprime et le cérébral demandant à être sustenté. L’exposition choisie et affranchie de vulgarité et de voyeurisme malsains invite le spectateur à un rapport à saisir une nudité où les formes de l’actrice ( au passage,sublimes) proposent des expériences sensorielles déterminantes pour signifier le retour progressif d’Emmanuelle à sa propre jouissance. Audrey Diwan redonne donc tout son sens à l’érotisme qui suggère sans trop en montrer mais l’atout principal du film demeure dans le jeu de séduction faisant infuser le désir entre le personnage de Kei et d’Emmanuelle, plus semblables qu’on ne pouvait le croire. Toute l’installation autour de l’hôtel mettant la lumière sur la tolérance sexuelle de certaines pratiques n’est pas très convaincante et agit comme un paravent discutable voire anecdotique. L’expédition plutôt brutale de la scène finale ( où devait jaillir toute la quintessence de ce retour à la jouissance d’Emmanuelle) est également quelque peu désarçonnante. Au bout du compte, le film est loin d’être insignifiant et vain car sa vision aura été plutôt intéressante à une époque où la représentation sexuelle ne doit plus tomber dans la facilité d’une pornographie primaire et malésante.