Le Chat qui fume édite un rape and revenge taré et lyrique, poème délirant et malsain qui sait mêler fantasme saphique, cannibalisme, mélodrame et grand-guignol. Un pur produit pour la maison, signé Joe d’Amato, mais surtout, et franchement contre toute attente, vrai chef-d’œuvre psychédélique sachant travailler avec une jouissance non dissimulée ses obsessions malades sans abandonner ses personnages et sa mise en scène.
Emmanuelle et Françoise, son titre de pur film érotique bis, sa réputation sulfureuse, et son cinéaste ultra prolifique ont de quoi faire peur. Ou bien au contraire, faire saliver les geeks de notre espèce, amateurs de ce genre de friandises vicelardes mais aux qualités cinématographiques contestables. Détrompez-vous ! Sous ses airs de de rape and revenge Z, il s’agit là d’un objet sublime, probablement l’un des plus beaux et les plus émouvants de son auteur. Il raconte le suicide de Françoise, femme humiliée par son conjoint, violée par sa faute, puis la vengeance terrible orchestrée par sa sœur Emmanuelle, qui séquestre le salaud, le drogue, le frustre en lui imposant la vue de jeux sexuels, jusqu’à ce qu’il perde totalement la raison. Derrière son accumulation de scènes sulfureuses qui pourrait ressembler à un catalogue d’humiliations toujours plus dingues – allant jusqu’à un repas cannibale totalement grand guignolesque et sidérant – le long-métrage est porté d’abord et avant tout par des personnages étonnamment émouvants et par une mise en scène toujours plus inspirée.
Le destin de Françoise est raconté à travers une série de flash-backs qui bien qu’ils soient d’une grande violence parviennent à toujours nourrir le récit d’une intense émotion. D’abord parce que ce dernier est remarquablement construit, ce qui n’est pas toujours le cas de ce genre de production, de manière hachée, toujours surprenante, mais aussi grâce à l’interprétation bouleversante de Patrizia Gori qui, par sa belle fragilité, parvient à incarner ce parcours terrible qui aurait pu s’apparenter à du sadisme gratuit. La puissance de ces séquences vient de leur violence outrancière, presque grossière, où les hommes apparaissent toujours comme des êtres immondes, avides de sexe et d’argent. Emmanuelle et Françoise déroule une sorte de figuration lyrique de la bêtise et de la violence du désir masculin, désir qui progressivement se retournera contre celui qui en est l’incarnation virile et emblématique : le mari torturé incarné par George Eastwman. La force vénéneuse du film vient évidemment de ses contradictions. Il est évident qu’Amato jouit du même désir, les scènes érotiques s’accumulant (avec toujours plus de chabadabadaba en bande sonore), mais il y a une telle jubilation chez lui à punir son personnage masculin et sa bêtise qu’on ne peut pas croire que le long-métrage ne cherche pas aussi à simplement rendre justice à son beau et sincère personnage féminin, tout en creusant jusqu’au bout ses obsessions malades, son imagerie transgressive et sublime.
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