Shanghai, 1941. Le jeune James Graham (Christian Bale) se voit séparé de sa famille, lorsque le Japon entre en guerre avec les Etats-Unis. Dès lors, aidé par la rencontre d’un Américain qui le prend sous son aile (John Malkovich), il va apprendre à survivre dans un pays où tout lui est hostile…
Il y a des acteurs qui ont eu la chance de se trouver au bon endroit au bon moment. Indéniablement, Christian Bale est de ceux-là. Il faut dire qu’on a connu de pires cas que de commencer sa carrière cinématographique par un rôle principal dans le film d’un des réalisateurs les plus emblématiques du septième art.
De fait, le talent de Bale est déjà pour beaucoup dans la réussite du film, et anticipe bien l’excellente carrière que l’acteur fera par la suite. A seulement 13 ans, il porte sur ses épaules cette fresque historique où, pourtant, tous les personnages ne sont pas très égaux, la plupart s’avérant extrêmement oubliables, en-dehors de ceux joués par Bale et par John Malkovich. Fort heureusement, si, comme souvent chez Spielberg, les personnages pâtissent d’une écriture trop rapide, le réalisateur peut en revanche s’appuyer sur un de ses fidèles directeurs de la photographie, Allen Daviau, dont la capacité à créer des images somptueuses et marquantes est encore une fois au sommet.
S'il y a une image qu'on retient plus que tout en sortant du film, c'est ce plan extraordinaire où James se découpe en ombre chinoise sur un fond d'étincelles jaillissants des instruments de soudure face à un avion japonais, tendant le bras pour toucher cette bête de métal qui l'émerveille. Tout le cinéma, toute l'âme de Spielberg est magnifiquement résumée dans cette simple image : la naïveté et le bel idéalisme de l'enfance, mais aussi l'innocence des enfants face à un danger qu'ils ne peuvent comprendre, la fascination pour une puissance qui les dépasse, le besoin de rêver envers et contre tout dans un contexte difficile, la beauté dangereuse qui attire et repousse à la fois... Dans ce plan d'une poésie à couper le souffle, le cœur du film et de son réalisateur réside.
Peut-être, toutefois, Spielberg est-il un peu trop conscient de cette indéniable force, ce qui fait qu’il en oublie par moments son récit, opérant des détours scénaristiques qui n’ont l’air d’avoir d’autres buts que celui de développer sa poésie, certes grandiose, mais qui n’aident pas toujours à la cohérence de l'enchaînement des scènes. Néanmoins, si Empire du soleil se révèle parfois un peu trop long pour son propre bien, il réussit sans aucun souci à développer un souffle romanesque impressionnant, où le réalisateur mêle l'intime à l'épique dans une fresque digne de son modèle David Lean (à qui le projet avait initialement été proposé).
Pour autant, on évitera de trop faire la fine bouche face à cette œuvre de Spielberg, qui nous réserve suffisamment de beaux et de grands moments de poésie voire d’émotion (sublime scène finale) pour qu’on évite de se montrer trop difficile. Et il faut reconnaître que terminer son film par le magnifique Exsultate Justi de John Williams (qui signe ici une de ses meilleures bandes-originales) est une bonne technique pour se mettre le spectateur dans la poche…
*En prime, un lien vers la (magnifique) chanson qui m'a donné mon titre : https://www.youtube.com/watch?v=E8QwVAdHkZg