Steven Spielberg, ou l'un des rares cinéastes capables de prodiges en dirigeant un enfant comédien. Six ans après "E.T.", "Empire du soleil" a illustré sa méthode de travail de façon... éblouissante ! Il a réussi à instaurer une connivence quasi-magique avec le pré-adolescent qui incarne le jeune héros, Christian Bale, alors débutant. Celui-ci n'en finit pas de "crever l'écran" (oui, à fuir ! Formule cliché, mais si pratique !) durant les 2 h 30 de projection.
L'histoire est filmée de façon captivante par Spielberg qui, vis-à-vis de son univers de prédilection alors, a franchi une étape freudienne. En cernant justement celle qui marque le passage de l'enfance à l'âge adulte. Principale et obsédante conséquence, pour l'être humain : la perte de l'Innocence.
Jim, 11 ans, gamin insouciant au sein de la très embourgeoisée colonie anglaise de Shangaï, va vivre cette transition de manière brutale et traumatisante à partir de la date fatidique du 7 décembre 1941. Pris avec ses parents dans la panique de foule provoquée par l'irruption des Japonais après l'attaque éclair de Pearl Harbour; il est séparé d'eux. Livré à lui-même pour la première fois, il erre, se terre. Puis, il finit par se retrouver prisonnier dans un camp, avec deux aventuriers américains qui vont exploiter sa débrouillardise et le protéger en retour. Se justifie la formule choc utilisée pour la promotion du film : "En l'espace de quelques jours, Jim découvre la faim, la peur, la violence et la mort !".
Une accumulation de séquences où se mêlent lyrisme et réalisme montre tout ce que la tourmente d'une guerre ne peut que détruire chez un jeune individu. Ce que personnalise Jim durant les quatre ans où on le voit vivre son odyssée et y survivre, c'est "L'enfance nue". Quand les rêves, illusions, doivent être abandonnés beaucoup trop vite, brutalement. Surtout, ne pas oublier en visionnant ce film que c'est un récit autobiographique qui lui donne toute sa force narrative.
Surprise : pour filmer l'incroyable aventure d'un gamin dont l'un des élans de survie est sa passion pour les avions de combat, Spielberg s'est refusé des envolées de sentimentalisme. Il signe même une oeuvre dont la relative sécheresse de ton, symbolisée par le regard final de Jim, a eu alors de quoi déconcerter ses inconditionnels.
Mais après "La couleur pourpre", "Empire du soleil" a confirmé que son auteur était enfin mûr pour s'aventurer davantage hors de la planète Enfance !