Une surprise de taille ! Sorti il y a vingt-trois ans, en 1987, Empire du soleil de Spielberg n'a pas pris une seule ride. La raison est évidente : il s'agit moins d'un film de guerre, que d'un conte halluciné et intemporel. L'errance douloureuse d'un enfant abandonné au milieu du chaos, confronté à l'horreur d'un camp japonais dans la Chine de 1945. L'âpreté historique est intelligemment contrebalancée par la beauté et le lyrisme des images, sans pour autant être occultée. Le « cinéaste de la lumière » se permet de puissantes audaces visuelles, comme la vision lointaine de l'explosion d'Hiroshima à travers les yeux du petit héros, qui croit que Dieu vient de photographier la terre. La scène est bouleversante : au milieu d'un cimetière de bibelots fracassés, tenant la main d'une mourante, l'enfant ne comprend pas ce qu'il voit. La femme affalée à ses côtés rend son dernier souffle en même que les milliers de victimes de la bombe nucléaire.

Tout est affaire de vision ici. Vision de l'histoire, vision innocente de l'enfance : Spielberg fait se mêler, avec la maestria qui est la sienne, le collectif et l'intime. Les pires atrocités à travers les yeux d'un orphelin perdu. À défaut d'une légitimité, il tire de ce regard une sincère puissance d'évocation. Spielberg n'est pas un historien, mais un cinéaste surdoué, contemplant de face des faits tellement traumatisants qu'on serait tenté de les oublier. Plus qu'un simple devoir de mémoire, il cherche à construire une remémoration visuelle et vivante, sans jugement, des grandes tragédies historiques. Quelques années plus tard, il prêtera encore ses yeux à l'Histoire, avec La Liste de Shindler, Il faut sauver le soldat Ryan et Munich.

Empire du soleil est un grand film malheureusement oublié dans l'œuvre déjà colossale de Spielberg. Pour peu qu'on se donne la peine de le (re)voir, on y découvre avec jubilation et tendresse le premier rôle d'un tout jeune Christian Bale (le futur Batman de Nolan), déjà débordant de talent. Son personnage fait penser au petit Antoine Doinel des 400 Coups. Un écho émouvant, quand on connaît l'admiration que Spielberg a toujours témoigné à François Truffaut. Plus qu'un hommage à un cinéaste disparu, un dialogue entre deux films.
TheScreenAddict
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes Blu-Ray, Titres sublimes, Putain ce plan déboîte ! Quadruple baffe esthétique dans la tronche ! et Les meilleurs films de Steven Spielberg

Créée

le 6 août 2010

Critique lue 574 fois

7 j'aime

TheScreenAddict

Écrit par

Critique lue 574 fois

7

D'autres avis sur Empire du soleil

Empire du soleil
Tonto
8

"Les enfants de la guerre ne sont pas des enfants, ils ont l'âge des pierres, du fer et du sang..."*

Shanghai, 1941. Le jeune James Graham (Christian Bale) se voit séparé de sa famille, lorsque le Japon entre en guerre avec les Etats-Unis. Dès lors, aidé par la rencontre d’un Américain qui le prend...

le 29 mars 2023

26 j'aime

7

Empire du soleil
Floax
5

Les débuts (pas à fond) de Bale.

La filmo' de Spielberg semble se diviser en deux catégories : les films un peu naïfs, tous publics avec plein d'effets spéciaux, et puis les films un peu chiants, sur des sujets sérieux, que Steven...

le 14 sept. 2014

22 j'aime

Empire du soleil
Ticket_007
8

"L'enfance nue" en habits de guerre !

Steven Spielberg, ou l'un des rares cinéastes capables de prodiges en dirigeant un enfant comédien. Six ans après "E.T.", "Empire du soleil" a illustré sa méthode de travail de façon... éblouissante...

le 1 avr. 2016

12 j'aime

9

Du même critique

Melancholia
TheScreenAddict
10

Monumental !

Jusqu'à présent, nous n'avions vécu la fin du monde au cinéma qu'à travers un nombre incalculable de films catastrophe, souvent outrancièrement spectaculaires, presque toujours issus des studios...

le 14 août 2011

152 j'aime

30

A Bittersweet Life
TheScreenAddict
10

Critique de A Bittersweet Life par TheScreenAddict

Administrateur impitoyable d'un grand hôtel de luxe pour le compte d'un patron de la pègre, Kim Sun-woo est un homme d'habitudes, un être de rituels, ivre de contrôle, réglant son existence à la...

le 13 mars 2012

111 j'aime

4

The Dark Knight Rises
TheScreenAddict
7

Critique de The Dark Knight Rises par TheScreenAddict

À en juger par la pléthore de critiques mitigées, voire franchement déçues, s'acharnant sur de soi disant défauts de construction et sur le caractère conventionnel du film, The Dark Knight Rises ne...

le 31 juil. 2012

63 j'aime

10