Hearts and darkness
Alors qu’on n’en peut plus de lire les accroches « une lettre d’amour au cinéma » placardées partout à l’occasion des imposantes promos des récents Babylon et The Fabelmans, voici qu’arrive le...
le 3 mars 2023
65 j'aime
10
Assurément, le septième art paraît inspirer, ces derniers temps, quelques grands réalisateurs. Si Damien Chazelle, dans Babylon, en raconte la démesure absolue (celle du Hollywood des années 20), Steven Spielberg (The Fabelmans) et aujourd’hui Sam Mendes s’en servent pour évoquer une partie de leur adolescence. Pas vraiment une évocation littérale (comme chez Spielberg) en ce qui concerne Empire of light, plutôt un assemblage de souvenirs épars et d’impressions d’une certaine époque : une mère bipolaire, l’Angleterre des années 80 avec sa Thatcher et ses skinheads, et la découverte du cinéma bien sûr.
À travers la rencontre (puis l’amour intergénérationnel et interracial) de deux êtres malmenés par l’existence (Hilary souffre de bipolarité, Stephen d’un racisme décomplexé), Mendes cherche d’abord à raconter une espèce de tranche de vie mignonne tout plein où les hasards du destin rapprocheraient les cœurs, guériraient les corps, ouvriraient l’esprit, blablabla… Un magnifique cinéma Art déco à bout de souffle et en bord de mer (à Margate précisément) sert d’épicentre à celle-ci qui, très vite, va révéler ses limites. Non seulement Mendes s’éparpille dans les thèmes qu’il aborde (du romantisme, du social, du politique, du psychologique…) sans véritablement parvenir à les agréger, mais il succombe à quelques envolées sentimentales qui confondraient naïveté avec simplicité (et appuyées par la musique étonnamment sirupeuse d’Atticus Ross et Trent Reznor).
Tout était là pourtant pour nous séduire, ne pas relever de l’anecdotique, de l’élégante mise en scène de Mendes à la somptueuse photographie de Roger Deakins, en passant par une Olivia Colman bouleversante et la belle confirmation du talent de Micheal Ward (découvert dans le magnifique épisode Lovers rock de la série Small axe). Mais tout ça pour nous dire que le racisme c’est pas bien et que la vie c’est trop chouette malgré les coups durs qu’il faut savoir surmonter, que viendra d’ailleurs résumer une sorte de maxime neuneu à la Forrest Gump ("Ce ne sont que des images statiques encadrées de noirceur, mais notre nerf optique a un petit défaut : à 24 images par seconde, on ne voit pas la noirceur"), c’est quand même très léger. Et surtout très décevant.
Créée
le 24 févr. 2023
Critique lue 247 fois
6 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Empire of Light
Alors qu’on n’en peut plus de lire les accroches « une lettre d’amour au cinéma » placardées partout à l’occasion des imposantes promos des récents Babylon et The Fabelmans, voici qu’arrive le...
le 3 mars 2023
65 j'aime
10
Sacré Sam Mendes. Discrètement, ce réalisateur est en train de se construire une filmographie exceptionnelle, car très hétérogène (à l'image d'un Kubrick), mais qui fait toujours mouche (à l'image...
Par
le 12 mars 2023
37 j'aime
6
La tentation de faire une analyse comparée est grande quand on nous offre en ce début d'année deux films qui font l'apologie de l'amour du cinéma, selon les affiches placardées partout sur les...
Par
le 4 mars 2023
32 j'aime
Du même critique
Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...
Par
le 18 janv. 2017
183 j'aime
4
Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...
Par
le 19 oct. 2013
179 j'aime
43
En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...
Par
le 11 oct. 2015
162 j'aime
25