Soudain le vide
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En attendant les robots s’intéresse aux laissés pour compte du numérique, celles et ceux qui effectuent des tâches invisibles et absurdes créées par l’infinité des besoins d’Internet. Flouter des visages sur Google Street View, recopier des lettres manuscrites au clavier, observer des caméras de surveillance, tel est le quotidien des turkers. Ces bullshit jobs 2.0 sont triplement pervers : ils paient mal, plusieurs d’entre eux servent à améliorer une IA qui remplacera les turkers à terme et, comble de l’ironie, ces derniers sont payés en cartes cadeaux Amazon. À l’ère d’Internet, les entreprises n’ont plus besoin de construire des cités ouvrières pour contrôler leurs travailleurs.
Mais qui peut bien accepter ces jobs aliénants et payés largement en-dessous des minimums légaux ? Sans doute des inadaptés sociaux pour qui le confort de rester chez soi prend le pas sur le bas salaire. Notre porte d’entrée à cet univers est le personnage fictif d’Otto, stéréotype du geek solitaire cloîtré chez lui à manger des nouilles instantanées devant son ordinateur. Si la partie fictionnelle est parfois un peu trop écrite et caricaturale, elle se voit justifiée par la relation qu’entretient Otto avec des personnes bien réelles : ses discussions avec le pasteur sont profondément touchantes, ce dernier essayant d’aider le jeune homme à prendre sa vie en main. Il est également accompagné par Phil, ancien alcoolique basé en Thaïlande, qui fait office de figure paternelle. Les personnages d’Éric et Cindy offrent quant à eux un contre-point intéressant à l’image stéréotypée des turkers : ils sont jeunes, beaux et sympathiques, on ne les imagine pas asociaux.
Mais l’intérêt du documentaire n’est pas tant sa captation du réel que sa façon de dévoiler une réalité méconnue pour la dénoncer. En attendant les robots joue formidablement ce rôle sans misérabilisme : le propos est clair, éminemment politique, et d’une maîtrise impressionnante pour un film de fin d’études.
Créée
le 10 mai 2023
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