Ils sont bien rares les films sur les fanfares.
Ou bien, autrement dit, les films sur les harmonies, les marching bands, les show bands, les bandas, les brass bands, les big bands, les batteries-fanfares, les cliques, les peñas, les bagads...
Toutes ces formes de groupes de musique qui ont pour points communs d'être majoritairement constitués par des instruments à vents et des percussions, mais surtout d'être des musiques populaires.
Mais pas des musiques populaires qu'on écoute dans la voiture, pas des musiques populaires qui caracolent en tête des charts, et pas non plus des musiques populaires dont la singularité et la différence leur permettrait de se classer dans les musiques dites traditionnelles, vous savez, les musiques étudiées par les ethnomusicologues...
Non, là on est bien dans la musique populaire dont tout le monde se fiche et dont personne ne parle si ce n'est les principaux concernés, les musiques populaires dont la principale documentation consiste en des articles de 3 lignes de journaux locaux pour signaler l'existence d'un concert auquel seules les connaissances des musiciens et quelques retraités habitués iront.
Le film montre bien le décalage qui existe entre les orchestres symphoniques (que certains snobs appellent "orchestres" tout court pour bien montrer qu'à leurs yeux c'est la seule forme d'orchestre valable) et les orchestres d'harmonie, qui sont donc les représentants dans ce film de ce type de musique populaire oubliée.
La musique symphonique est poignante, elle vous prend aux tripes, fait émerger de votre corps tout un assortiment d'émotions, et pour cela son interprétation requiert une exigence maximale. En conséquence, tous les musiciens sont au service de la musique à 100%.
La musique d'harmonie quant à elle, est moins précise et moins ambitieuse, mais elle fait ressortir un côté populaire, authentique et festif qui ne pourrait pas émerger de l'orchestre symphonique professionnel. Tout simplement car la musique est avant tout un support pour ces musiciens, afin de se retrouver, de passer un bon moment, de bâtir quelque chose ensemble, de se sentir appartenir à un groupe, et de sociabiliser pour mettre de côté le temps d'une répétition un quotidien d'asservissement et de pénibilité. En terme de bénéfice apporté dans la vie des gens, elle est au moins aussi importante que la musique symphonique...
Le film montre bien cette réalité, ce qui ne manquera pas de faire plaisir aux musiciens d'harmonie à qui on offre enfin une certaine visibilité (et pas dans le sens péjoratif), mais il a également d'autres objectifs : le déterminisme social, la volonté de prouver que des formes de musique très opposées peuvent très bien s'associer, et l'avancement du scénario notamment.
Ce dernier coupe un peu le film en deux, avec une première moitié qui trouve le juste équilibre entre comédie et drame, et une seconde moitié dans laquelle le côté dramatique prend plus d'importance. Malgré une fin en musique et en apothéose, on sort de la séance en ayant presque plus retenu les émotions fortes véhiculées par la tournure du film, que les messages qu'il s'était efforcé de disséminer pendant une grosse moitié de celui-ci.
Pour cette raison, je ne suis pas certain que En Fanfare, malgré un succès critique justifié, puisse donner à nouvel élan aux orchestres populaires, comme avait pu le faire en son temps le film Les Choristes grâce auquel de nombreuses chorales avaient vu le jour ou s'étaient renforcées.
Il n'aura cependant aucune difficulté à trouver son public.