Stéphane Brizé, réalisateur incontestablement brillant, réussit encore ici un remarquable et corrosif coup de maître , sur le drame des charrettes de licenciements...
D'entrée et brutalement, le spectateur est projeté sur la ligne de front avec des salariés licenciés qui n'ont plus rien à perdre face à des patrons téléguidés par des actionnaires toujours plus gourmands en bénéfices !
Agen, l'usine Perrin, usine de sous-traitance de pièces automobiles, qui, tout en n'étant pas compétitive entre guillemets, vient de faire 18 millions d'euros de bénéfices... on sourit...
La direction décide donc de fermer ses portes, sans aucune raison valable avouée, (mais on les connaît)... mettant ainsi, à la rue 1100 ouvriers.
La problématique est rapidement posée, le rapport de force est inégal, mais face à une grève redoutable pour ces puissants, s'applique alors impitoyablement la loi du plus fort avec son cortège de ruses, de dialogues truqués, de langues de bois, de tentatives de division, de répressions policières quand les arguments font défaut... Toutes les méthodes les plus méprisables, sont mises en œuvre pour contrer la colère légitime des salariés.
Avec sa caméra au plus près des visages et des sensations de ces héros en lutte, Stéphane Brizé réalise la prouesse d'en faire une analyse incroyablement efficace, précise et détaillée, mettant en évidence en contre-champ le langage bien codifié et savamment policé des "cols blancs" et surtout
la façon servile dont les médias relatent les événements.
La séquence-clé la plus éloquente du film, évoquant les actes de violence envers le nabab allemand, est particulièrement réussie, parce qu'elle est une parfaite illustration de ce que les médias nous ont fait avaler, dans l'épisode de "la chemise déchirée d'un DRH d'Air France"... où les victimes sont transformées en coupables, le comble de la colère !... d'ailleurs je m'associe à ce bataillon de grévistes désespérés, pour piétiner avec eux, cette pathétique carcasse de limousine...
Un petit billet laudateur pour Vincent Lindon, qui s'est investi dans le personnage de leader syndicaliste de façon transcendante, à ce point qu'un spectateur lui aurait dit à la fin de la projection :"qu'est ce que Laurent vous ressemble"... le plus beau compliment qu'on pouvait lui adresser pour sa prestation exceptionnelle.
Ce film est une mise à nu foudroyante et sans concession de la réalité sociale révoltante que nous subissons et aussi un plaidoyer militant extrêmement convaincant pour inviter le peuple à ouvrir enfin les yeux et réagir....
Pour garder l'espoir, retenons la citation mise en exergue du film : "Celui qui combat n'est pas sûr de gagner, mais celui qui ne combat pas est sûr de perdre"...
La larme discrète, à peine visible, qui coule sur la joue de Laurent et qui a fait exploser les miennes en éruption volcanique, restera un moment d'émotion rare et intense, dans ma mémoire cinéphilique.