La force d'une équipe est son collectif. Quand les valeurs véhiculées sont des valeurs de solidarité et de combat alors un groupe peut devenir invincible.
L'entreprise Perrin située à Agen (en réalité c'est tourné à Fumel) est promise à la fermeture, sacrifiée sur l'autel de la rentabilité. Ailleurs on baisserait les bras devant l'inéluctable. Ce n'est pas le genre à Agen (ni à Fumel) où les 1100 salariés vont se battre jusqu'au bout.
Le scénario nous fait partager la lutte syndicale menée essentiellement par la CGT et son leader Laurent Amédéo (Vincent Lindon). Il ya une trentaine d'années on aurait parlé de lutte des classes. Cette notion a beaucoup vieilli. De nos jours le mot correct serait plutôt la guerre des classes. Comme toute guerre il est question de stratégie, d'alliances, de mobilisation, d'attaques impromptues, d'esquives savantes, de négociations et de trahisons au sein de l'alliance. Dans le camp d'en face le patronat comme souvent en pareil cas est un commando de mercenaires sûrs de leur force, de leur impunité et de leur pouvoir de nuisance. Y a-t-il la moindre chance que la direction finisse par plier face aux travailleurs qui luttent pour leur survie avec l'énergie du désespoir? Certains noms reviennent fort à propos comme autant de victoires qui redonnent l'espoir : Molex, Conti...
Un homme peut-il par son charisme faire basculer le rapport de forces en présence ? La réponse à cette question a la force de l'évidence dès l'apparition de Vincent Lindon.
La composition de Vincent Lindon est criante de vérité (et le mot est faible) au cours de ses confrontations avec cette bande de requins dès qu'il hausse le ton et que ses harangues sortent. Lindon m'a rappelé par ses intonations et ses attitudes plusieurs syndicalistes que j'ai côtoyés quand j'étais DP. Les conseils de Xavier Mathieu ex délégué syndical charismatique des Conti ont dû lui être profitables, venant en plus de sa sensibilité à la souffrance des faibles. Les autres acteurs, la plupart syndicalistes non-professionnels sont parfaits eux aussi, et on aurait tort de penser que les personnages secondaires sont négligés. Le film dénonce également le rôle des media (comme une chaîne qui commence par B et se termine par FM ) qui nous montrent la violence sans jamais en expliquer le contexte. La musique de Bertrand Blessing est judicieusement bruyante et répétitive. J'aurais juste préféré une autre fin .
Cette fin peut s'expliquer par certains événements tragiques qui n'ont jamais fait les titres de l'actualité. Mais elle manque de tout gâcher. Quand on veut partir En guerre il vaut mieux ne pas saper le moral des troupes, c'est en tout cas ma conviction.
Mais cette petite réticence ne doit pas faire oublier les bons moments que Stéphane Brizé nous a fait passer. Si l'auteur s'était appelé Dardenne, Mike Leigh ou Ken Loach la critique aurait crié au génie. Mais comme il est français je suis prêt à parier que ce sera beaucoup plus mitigé. Il ne s'agit pourtant que d'un des rares films français qui montrent le combat sans cesse recommencé contre l'injustice et pour la dignité humaine.