On peut bien sûr reprocher au film d'empêcher tout sens critique à son spectateur, par son misérabilisme (beaucoup moins présent que dans La Loi du Marché cependant), sa mise en scène au plus proche du réel, et son personnage principal s'imposant comme la voix de la raison durant l'intégralité du film. Mais le propos du film se situe quelque part ici : un retour aux valeurs fondamentales qui ne devraient pas à avoir être discutées. Les dirigeants sont présentés comme absents, déconnectés du réel, au point de n'avoir plus aucun lien avec ces valeurs fondamentales. On sent des personnes ayant perdu l'habitude de se faire baiser par la malchance une fois de temps en temps. C'est bien ce qui fait d'eux (outre leur cynisme inhumain) des gens finalement assez exceptionnels : leur capacité à savoir quand arrêter les frais pour maximiser le développement de leur entreprise.
Le personnage de Laurent (Vincent Lindon, encore une fois exceptionnel) présente cependant une certaine ambiguïté de manière subtilement suggérée. Son ego et son désir de rester à la tête de ces ouvriers comme toile de fond de son envie de guerre, premièrement. Il y a également cette scène de sortie de l'usine après son renvoi, seul, sa guerre perdue, avec la musique guerrière qui continue de retentir. Comme si ce personnage portait en lui le gène de la guerre, nourri par cet ego. Ces éléments de second plan viennent enrichir le débat autour de la problématique du film. La guerre perdue d'avance, peu importe sa noblesse, vaut elle le coup d'être poursuivie ? On sera tenté instinctivement de répondre oui, mais les éléments cités plus haut apportent une ambiguïté bienvenue. Après tout, une guerre perdue d'avance ne peut elle pas être uniquement amenée par un bellicisme egomaniaque ?
8/10
SPOIL
Voilà ce que j'aurai écrit s'il n'y avait pas la dernière scène d'immolation. Comme Daniel Blake il y a deux ans, Laurent est un martyr qui finit par obtenir gain de cause (plus sur le plan moral que pratique) par son sacrifice. Une figure christique qui avait raison tout du long, empêchant le spectateur de se poser n'importe quelle question à propos de ce qu'il vient de voir. J'ai trouvé ces visages des ouvriers en deuil en fin de film d'une condescendance énervante : Lindon le saint avait raison, et maintenant mordez vous les doigts.
J'aurais aimé voir le film s'arrêter sur la figure du bébé, preuve de l'existence de l'innocence la plus pure recherchée par Laurent dans ce mur cynique de dirigeants durant tout le film, mais également symbole du renouveau, dont la guerre du personnage de Lindon l'aidera à prendre le bon chemin. Une façon de dire que la guerre, même perdue, peut avoir son utilité, rejoignant la citation introductive.
Mais non. Brizé dit en interview rechercher avant tout l'honnêteté dans son sujet, mais à l'image de son personnage, il peut confondre honnêteté et œillères. Un extrémisme bien dommage. Je l'aurais suivi pendant les 99 premiers pourcents du film, mais cette fin pour moi prouve que ce que je voyais est finalement assez mal interprété.
1/10
Je n'aurai jamais été aussi déçu de façon aussi brutale. Une expérience nouvelle, c'est toujours ça de pris.