Le film aurait pu se terminer autrement, aurait dû se terminer autrement peut-être, on aurait voulu en tout cas qu'il se termine autrement. Cette fin terrible prend sens cela dit dans la fiction, elle vient sceller le message global du film, celui de l'impuissance généralisée face à la loi du marché, et face au flou artistique que permet le néolibéralisme. Le film devait se terminer de la sorte pour que l'impuissance, elle, ne soit définitivement plus floue, et qu'on sente au cœur la rage pragmatique des luttes vaines.
Le militant au pied du Goliath multinational, n'atteint jamais l'œil central, le Goliath est aveugle,
le militant se projette davantage dans les valeurs humaines qu'il porte pas à pas même s'il va nulle part, et des valeurs humaines aussi dont il prend conscience et qu'il apprend à défendre et à organiser, en cela peut-être devrait-il jamais vraiment se sentir dans la défaite, facile à dire,
de la même manière que le haut cadre se projette peut-être dans d'autres perspectives, dans des perspectives d'humanité ou d'évolution, peut-être même se projette-t-il à l'instant dans d'autres perspectives instantanées, pendant qu'il ment à un délégué du personnel, par le truchement de la casuistique, et des nécessités de la bouffe, du logis, et d'un confort qui parfois par son superflu compense le nihilisme,
c'était mon cas, sans savoir peut-être que par principe de cohérence j'étais déjà allé trop loin dans le pandémonium des open-spaces multinationaux de la main invisible.
Quand on a goûté à l'un de ces postes intenables, communicant tactique pour plans sociaux par exemple, un de mes anciens beaux-pères me garantissait qu'il faisait ce métier pour le bien de tous, voyez-vous les gens préfèrent les mensonges à la panique,
ou comme moi à l'ingénierie Qualité Produit pour l'industrie, poste complètement paradoxal qui ne se justifie que dans la défense de la bonne santé d'entreprise, la qualité du produit ne prévalant pas sur le bénéfice financier qu'il procure, cynisme au détriment forcément de l'humain consommateur s'il le faut, cynisme partiellement assumé, dont la justification ne tient en discours que sur l'embrouille d'un langage dont j'étais devenu virtuose quoique moins virtuose que mon boss, langage du déni chronique qui fuira au-delà d'un certain point toute perspective de réflexion élaborée et critique sur la situation, car elle n'amènerait en vrai qu'à approuver le démantèlement nécessaire de ce qui gonfle la souveraine compétitivité,
bref,
si l'immolation guette le militant, au moins en pensée, sa pensée de toute manière à se battre contre des murs ne peut que s'envoler toujours pour s'écraser,
et si le burnout guette le cadre qui se retrouve responsable au mauvais endroit au mauvais moment, burnout au moins en sourdine, d'un petit burnout qui le rongera jusqu'à nouvel ordre,
nous réalisons que notre société nous vend surtout beaucoup de douleur, et l'on comprend peut-être pourquoi nous consommons tant, et pourquoi nous refusons la moindre mesure étatique qui ne s'assume pas dans le sens inverse du pire, dans une opposition franche au gavage des actionnaires, opposition qui serait possible pourtant, par certaines mesures qui paraissent si simples (sans pour autant qu'elles soient idéales, j'en conviens, tout cela se discute, mais la banqueroute elle même parfois m'apparaît sous un jour plus favorable, tabula rasa,
mais parlons de la monnaie unique à taux national équilibré,
Comme dans le système monétaire européen (SME), les monnaies nationales européennes seraient définies par rapport à l’euro, selon un taux de change fixe mais ajustable. Contrairement au SME, la convertibilité interne (entre monnaies nationales européennes) ne s’effectuerait pas sur les marchés de change entre agents privés, mais au seul guichet de la Banque centrale européenne, au taux de change en vigueur. La convertibilité externe, par exemple entre le franc et le dollar, s’effectuerait quant à elle en deux temps : 1. une conversion franc-euro « de guichet » via la BCE, à taux fixe, 2. une conversion euro-dollar de marché.
Ce passage obligé par une conversion de type « guichet » supprimerait le marché des changes intraeuropéen, ce qui aurait un effet de stabilisation monétaire interne proche de celui que produit actuellement la monnaie unique. Les ajustements de change pourraient ainsi être opérés dans le calme à partir de compromis politiques négociés entre les États membres, et non sous l’emprise des forces de marché, comme c’était le cas dans le SME.
Ces compromis seraient encadrés par un système de règles ayant pour principe de partager symétriquement l’ajustement entre pays déficitaires et pays excédentaires. Ainsi, le dépassement de certains seuils de déficit courant autoriserait les États concernés à dévaluer leur monnaie par rapport à l’euro. Mais, symétriquement, le dépassement de certains seuils d’excédent obligerait les pays concernés à une réévaluation. Un tel système contraindrait par exemple l’Allemagne à réévaluer et donc à soutenir par ses importations la demande dans le reste de la zone euro.
(Source : Le Monde diplomatique... très bon média, abonnez vos amis !)
des banques privées, des taxes intelligentes et autoritaires vis-à-vis des multinationales sur l'import-export.... bref, ce n'est pas les idées, bonnes ou moins bonnes, mais toujours mieux, qui manquent.
L'impuissance que porte ce film existe, dans la vraie vie, dans les situations les plus ironiques et les plus paradoxales du monde, à l'image de ce quartier nord de Marseille qui n'a plus que comme dernier espoir la défense de son McDonald's, comme lieu de travail, comme lieu de vie de quartier
https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/un-mcdo-a-defendre
et les raisons de la fermeture ne sont probablement pas que de l'ordre de cette infâme compétitivité, mais aussi parce que c'était peut-être un des premiers McDonald's à s'organiser, syndicalement en l'occurrence,
le néolibéralisme n'est aveugle que quand on lui refuse la fourberie,
voilà l'impuissance que porte ce film, là-haut ils peuvent lutter à quatre, à deux, voir même à un, et dans ce cas c'est bien plus facile d'être soudé. Seulement eux-mêmes se battent contre d'autres soudés d'une compagnie concurrente,
l'impuissance, c'est à la fois celle de ceux qui luttent que celle de ceux qui décident, ou qui parlent pour ceux qui décident, et rien ne bougera si l'État croit que les choses peuvent bouger sans remettre fondamentalement en cause les actuelles lois du marché,
en attendant il reste les luttes du peuple, celle des gilets jaunes, mais bien d'autres, certaines étendues, d'autres locales, des ZAD, des associations,
sans qu'on ne sache vraiment dans le chaos ambiant, si elles nous mènent quelque part, s'il y a le moindre soupçon de victoire là-dedans. Si nous le savions, le sentiment d'impuissance ne serait plus, et peut-être le film aurait-il perdu son propos.