Sous forme de vidéos et de sons montés depuis les portables ou les caméras journalistiques, ou de sécurité dans les bureaux patronaux, du Medef ou de l’Elysée, assurant par là le réalisme revendiqué des réunions, engueulades, négociations ou actions sur le terrain, cette docu-fiction nous plonge dans les derniers mois du funeste combat acharné de 1100 ouvriers et de leurs leaders syndicaux, refusant la décision brutale et illégitime de la fermeture de leur usine française.
Balade en bateau, escroquerie et condamnation légalisées de familles entières, guerre de pressions sociales, psychologiques et financières, abois de pauvres gens dont se foutent indécemment toutes autorités confondues, sont parfaitement rendus par cette cascade glaçante de pouvoirs déshumanisés et corrompus, évidement par l’escalade des grèves et blocages d’usines, les stratégies politico-patronales classiques de délitement syndical par la division et la lâcheté de chacun, les humiliations et désespoirs de plus en plus inexorables ne pouvant aboutir qu’aux extrémités violentes de ceux qui n’ont plus rien à perdre.
En syndicaliste puriste et enragé, un poignant et extraordinaire Vincent Lindon incarne le fer de lance perdu de la cause de nos nouveaux misérables, dans les marécages tricheurs et mortifères d’une économie mondialisée, ou les rares autorités de bonne volonté ne peuvent que reconnaitre leur impuissante noyade. Au-delà d’une aventure très inspirée de la paupérisation organisée des gens au quotidien, de la logique comptable, des délocalisations, des licenciements des peuples réduits à des instruments de réajustement, ce film est surtout un pamphlet sur le suicide d’un monde cadenassé par les lois de la concurrence, des bénéfices illusoires des nantis et de la dictature des marchés virtuels. Au-delà des sensibilités et des chroniques particulières de notre décadence, ce film force à converger vers la question d’un système souverain et ouvertement corrompu qui n’est plus au service de l’humain mais bien aux lois pathogènes du marché.