Pour aficionados uniquement? Dead Reckoning

Le Capitaine Rip Murdock (Bogart) et le sergent Johnny Drake (William Prince) sont des parachutistes de retour de guerre pour recevoir une médaille d'honneur. Mais à l’arrivée à la gare de Washington, Drake s’enfuit sans raison connue et sans laisser de traces.
Plus tard Murdock, apprenant la mort de Johnny, enquête sur l'accident de voiture dont il aurait été victime. Il se rend au "Sanctuary Club" pour rencontrer la femme qu’il croit être la fiancée de son ami, Coral (Lizabeth Scott)…
Le genre Polar noir était en vogue. Devenu très populaire par ses rôles de détectives à la Warner, où il était sous contrat, Bogart fut emprunté par la Columbia pour ce film construit avec tous les ingrédients attendus. Toujours avec la même intention commerciale, on engagea pour lui donner la réplique, une jeune actrice dont la ressemblance avec Lauren Bacall était évidente. Il s’agit de Lizabeth Scott, 25 ans (décédée en janvier 2015 à 92 ans) dont c’est le troisième film. Si on fait l’effort de ne pas lui tenir rigueur de cette ressemblance, on trouvera qu’elle se tire très bien d’affaire. On est d’ailleurs en droit de penser que cet air de famille avec Madame Bogart n’a malheureusement pas servi sa carrière qui compta quand même une bonne vingtaine de films dans les années qui suivirent. Elle fut un peu chanteuse aussi. J’ai acquis son unique album ressorti en 2009 en version CD; c’est du jazz cool enregistré dans les années 1950, comme on en entend un exemple dans le film, et sa voix un peu rauque y fait merveille.
A noter aussi Morris Carnovsky (Le méchant Martinelli) qu’on retrouvera deux ans après dans les Bas-fonds de Frisco (Jules Dassin) et Le démon des armes (Joseph H. Lewis) ; victime du maccarthysme, il fut inscrit, comme John Cromwell, sur la liste noire du cinéma, de 1951 à 1958.
La réalisation de John Cromwell est classique sans être brillante. A noter le plan final du parachute (dont je ne veux rien dire). Le montage est efficace et donc adapté au genre. La copie que j’ai visionnée était de bonne qualité et j’ai pu me régaler de la photographie de Leo Tover (deux nominations aux Oscar pour du N&B : La porte d’or en 1942 et l’héritière en 1950).
Le dialogue n’est pas des plus remarquables… mais quand même : dans le train, quand les deux soldats apprennent qu'ils seront décorés par le Président, l'un dit à l'autre « Peut-être qu'il te laissera t'asseoir sur son piano ». C'est une allusion à une photo qui avait fait grand scandale en 1945 où l'on voyait Harry Truman (vice-président) assis devant un piano à queue sur lequel est monté s’assoire Lauren Bacall. La photo avait été mise en scène, lors d’une réception au National Press Club, par Charles Enfield, du service de la publicité de Warner Bros.
Le scénario est co-signé par le romancier de « Série noire » Steve Fisher à qui on devra « La dame du Lac » l’année suivante; il est bien construit et contentera les amateurs du genre comme moi. Si vous frissonnez d’aise à l’idée de retrouver une femme fatale, une histoire bien embrouillée qui réserve des surprises, des truands brutaux, du chantage, des meurtres, En marge de l'enquête sera pour vous… comme il a été pour moi, un plaisir.
p3i
8
Écrit par

Créée

le 7 mars 2015

Critique lue 1.3K fois

12 j'aime

3 commentaires

p3i

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

12
3

D'autres avis sur En marge de l'enquête

En marge de l'enquête
Docteur_Jivago
5

Géronimo

Avec Dead Reckoning, Humphrey Bogart retrouve le genre de rôle, celui d’un enquêteur macho, classe et viril, qui l’a propulsé au sommet grâce à des films comme Le Faucon Maltais ou Le Grand Sommeil...

le 20 avr. 2014

7 j'aime

3

En marge de l'enquête
Maqroll
3

Critique de En marge de l'enquête par Maqroll

Juste après Le Grand Sommeil, Bogart tourne ce En marge de l’enquête qui semble en être un mauvais décalque. L’intrigue est compliquée (mais compréhensible cependant), l’atmosphère est celle d’un...

le 11 juil. 2013

4 j'aime

1

En marge de l'enquête
Jean-Mariage
7

Quintessence du film noir

En marge de l’enquête réunit tous les ingrédients nécessaires à la quintessence d’un film noir. Atmosphère crépusculaire, enquête avec une intrigue complexe et embrouillée (je ne suis pas sûr d’avoir...

le 30 nov. 2022

Du même critique

Manon des sources
p3i
8

Deux versions incomparables.

Il faut préciser que quand, dix ans après son film d'esprit marseillais en deux parties "Manon des sources" et "Ugolin", Pagnol a écrit "L'eau des collines", il a lui-même remis les faits dans...

Par

le 2 févr. 2015

19 j'aime

12

Un revenant
p3i
9

La vie est un théâtre d’ombres.

Le film est inspiré d’une histoire réelle survenue dans les années vingt. Et le film commence : Une vision légère et... noire. Les extérieurs d'entre Saône et Rhône permettent de situer l'action dès...

Par

le 22 févr. 2015

17 j'aime

5

Manon des sources
p3i
10

Les versions incomparables

Il faut préciser que quand, dix ans après ce film d'esprit marseillais, Pagnol a écrit "L'eau des collines", il a lui-même remis les faits dans l'ordre chronologique et a créé une atmosphère sombre...

Par

le 2 févr. 2015

15 j'aime